Pour une entreprise, l'idéal est d'instaurer un quota flexible par paliers afin de garantir la diversité, par conséquent la performance. Les femmes dans les hauts postes perçoivent cette responsabilité comme une faveur, ce qui se traduit souvent par une différence de salaire avec leurs homologues hommes pour une responsabilité égale. Femme engagée, Laila Mamou, présidente du Directoire de Wafasalaf, estime qu'il est important de rappeler à chacun qu'il peut être utile à la société, qu'il s'agisse d'homme ou de femme. - Finances News Hebdo : Lors de cette 4ème édition du Women's Tribune, la question des quotas a été évoquée comme vecteur de promotion de la parité. Aujourd'hui, est-ce une politique que l'on peut appliquer de la même manière partout, tous secteurs confondus ? - Laila Mamou : Si je place la notion de quotas en entreprise, ni dans le monde politique ni dans celui du public, je considère que le quota aujourd'hui ne peut servir qu'à lancer le mouvement vers une meilleure présence des femmes aux postes de décision. Mais, on ne peut pas décider du quota sans tenir compte des spécificités de l'entreprise et sans en mesurer son utilité. Il est nécessaire qu'en amont l'on se demande à quoi cela va servir, et pourquoi doit-on adopter cette méthode. Une fois les objectifs fixées on met en marche le processus nécessaire pour installer ce quota. Mais dire d'emblée qu'il faut, par exemple, 50% de femmes et 50 % d'hommes dans un conseil d'administration, sans tenir compte de la spécificité (finance, industrie, service ...) d'un secteur, ce serait presque une hérésie allant à l'encontre même des intérêts des femmes. Il est important de prendre la mesure de l'utilité de cette diversité, le quota n'étant qu'un élément de la diversité, toujours au service de la performance. Personnellement, je n'aime pas la notion de quota tout court, mais celle de quota flexible de telle sorte que l'entreprise puisse faire le point sur son quota actuel et puisse définir des quotas par paliers. En effet, on ne peut pas arriver à une meilleure représentativité si les personnes ne sont pas préparées et donc l'idée est de savoir ce qui est utile dans le cadre de la performance de mon entreprise ! Ainsi, on se trace des objectifs et on s'y tient. C'est comme ça que j'introduis la notion d'un quota utile au lieu de l'imposer comme une obligation à caractère rigide. Maintenant, on a vu que dans les pays où le quota a été inscrit sous forme de loi, des changements en faveur d'une parité se sont opérés. Le quota est donc important pour lancer le mouvement, mais ce n'est pas un objectif en soi. Ce n'est qu'un levier de diversité. - F. N. H. : Si l'on prend l'exemple du secteur financier duquel vous êtes issue, les profils féminins sont-t-ils assez disponibles si jamais l'on devait établir des quotas ? - L. M. : Bien sûr ! Le monde de la finance dispose de compétences aussi bien féminines que masculines. Il y a un plafond de verre qui est là, c'est clair. Et il y a un changement de mentalités à faire. Mais, aujourd'hui, on peut dire que les femmes s'imposent dans le monde de la finance par leurs compétences et je suis très confiante quant à l'avancée des femmes dans le monde de la finance. Elles sont compétentes et présentes. Ce monde de la finance ne raisonne qu'en rentabilité et performance indépendamment du genre, et c'est dans ce secteur que la femme aura justement plus de facilité à s'imposer. Certes, il y a des changements de mentalités à effectuer, mais je suis très optimiste. - F. N. H. : L'accès aux postes de responsabilité a fait émerger la problématique de la différence entre le salaire perçu par une femme et celui perçu par un homme pour une même tâche. Comment faire sauter le verrou psychologique pour que les femmes demandent à être payées comme leurs collègues à responsabilité égale ? Et là je fais appel à votre profil de coach qui accompagne les femmes... - L. M. : J'aime bien faire le parallèle entre la question des salaires des femmes et la question de l'héritage. Parce que nous sommes dans un contexte religieux qui fait que par définition la femme a besoin de moins de revenus financiers que l'homme puisqu'au niveau de l'héritage, c'est comme ça que la question est traitée. Quand on évolue dans ce contexte, c'est tout à fait normal de se poser la question de l'égalité. En tant que coach, j'ai relevé que la problématique réside dans le rapport qu'a la femme vis-à-vis de l'argent. Elle aura beaucoup de mal à négocier une augmentation de salaire comme le ferait un homme, et cette attitude n'est pas spécifique à la femme au Maroc. En effet, je travaille également avec un réseau international où l'on se préoccupe du leadership féminin, c'est vraiment universel cette relation qu'à la femme vis-à-vis de l'argent. Elle considère qu'étant déjà dans un haut poste, c'est une faveur qu'on lui fait. Donc, les freins à l'égalité des salaires dans les postes de responsabilité, c'est à la femme de les enlever parce qu'ils sont en elle. Elle doit oser demander la rémunération juste de la contrepartie de son travail. D'ailleurs, la femme a tendance à faire plus que ce qu'on lui demande, et c'est une spécificité qui s'assimile à une qualité que les femmes ont, de manière générale. L'idée ce n'est d'ailleurs pas d'être comme l'homme mais de capitaliser sur les spécificités de la femme pour en faire un levier de développement et au service de la performance. - F. N. H. : A votre avis, quelle est la valeur ajoutée d'un tel événement ? Nous avons suivi les témoignages de femmes leaders; alors, faut-il croire qu'elles représentent une exception dans ce pays ? - L. M. : Je ne suis pas d'accord sur la notion d'exception. Ce qui ressort au Maroc, c'est que nous avons beaucoup de femmes leaders sauf que ce sont toujours les mêmes qui sont médiatisées. Il y en a beaucoup par ailleurs, notamment dans les TPE, PME, usines, associations... mais elles ne sont pas assez médiatisées. L'intérêt de cet événement c'est justement de faire le point une fois par an sur le leadership marocain pour voir où il en est, sur les actions qui sont réalisées pour accompagner l'émancipation de la femme et quand je parle de l'émancipation féminine ça ne porte aucune connotation féministe. C'est vraiment dans le sens de l'évolution de la société et l'exercice du plein droit. Le Women's Tribune est pour moi une plate-forme d'échanges où nous recevons des personnalités qui pourraient être des modèles pour nous. Nous avons aussi des échanges d'expériences avec d'autres pays de la région. Ce que je regrette pour cet événement c'est qu'autant il est puissant et porteur lors de sa tenue, autant on n'en entend plus parler alors qu'il comporte des réflexions importantes qu'il serait utile qu'il continue d'avoir des effets toute l'année pour avoir plus d'impact. L'émancipation de la femme au service de la mixité, de la diversité et de la richesse est utile et nécessaire pour faire évoluer la société. En effet, nous avons aujourd'hui besoin d'une société qui soit encore plus compétitive et nous ne profitons pas de ce levier qui est la richesse de la mixité homme/femme. Nous avons aujourd'hui des atouts et nous devons les consolider. - F. N. H. : Vous êtes très mobilisée sur les questions sociales. Qu'est-ce qui anime Laila Mamou ? - L. M. : Ma seule motivation c'est d'être utile. Quand j'interviens lors d'une rencontre j'ai besoin d'être utile et d'apporter ma contribution au débat. Mon parcours je ne l'ai jamais considéré comme étant exceptionnel. J'ai bien travaillé, j'ai saisi mes chances et j'en ai provoqué d'autres. Je me sers de ma position pour être au service des autres. Je suis très engagée dans le social et je me rends régulièrement dans les lycées et les universités pour promouvoir l'esprit entrepreneurial auprès des jeunes. C'est mon crédo ! Il est essentiel de faire comprendre à chacun qu'il est utile pour cette société !