Les autorités marocaines s'emploient à une refonte rigoureuse de l'architecture législative encadrant les hydrocarbures, l'électricité, les mines et les matières explosives à usage civil, dans un contexte d'incertitudes énergétiques persistantes et de repositionnement géoéconomique. Leïla Benali, ministre de la transition énergétique et du développement durable, en a détaillé les contours dans une réponse écrite adressée à Driss Sentissi, chef du groupe MP à la Chambre des représentants, consultée par Barlamane.com. Carences juridiques dans le secteur pétrolier La ministre a reconnu que la loi n° 67.15, modifiant le dahir n° 1.72.255, s'avère inadéquate pour encadrer un secteur dont les déterminants ont profondément évolué. Ce texte, censé régir l'importation, le raffinage, la distribution et la prise en charge des produits pétroliers, n'intègre ni les nouvelles réalités géoéconomiques ni les défaillances logistiques constatées depuis l'arrêt des activités de la Samir. Dans un pays où la facture énergétique annuelle excède les 120 milliards de dirhams, représentant près de 8 % du PIB, une telle lacune expose l'économie nationale à des chocs exogènes difficilement amortissables. La révision de la loi est donc impérative pour garantir une meilleure prévisibilité des flux, soutenir les équilibres de la balance des paiements et préserver la compétitivité industrielle. Structuration d'un marché électrique décentralisé Concernant l'électricité, Mme Benali a mis en avant la loi n° 82.21, relative à l'autoproduction, qui définit les conditions d'un usage autonome de l'énergie pour la consommation propre. Ce mécanisme, conjugué à une meilleure régulation du réseau national, devrait permettre d'alléger les charges de l'ONEE tout en favorisant la montée en puissance de projets portés par des industriels et collectivités territoriales. Les besoins électriques croissent de 6 à 7 % par an, alors que la dépendance du Maroc aux énergies fossiles importées demeure supérieure à 90 %. Deux projets de décrets, en application de la loi n° 48.15, viennent préciser les règles d'accès au réseau et les modalités de traitement des contentieux par l'ANRE. Ces instruments entendent assainir le cadre de régulation en le rendant plus lisible, équitable et techniquement rigoureux. Vers une architecture normative de la transition énergétique Le gouvernement poursuit également l'élaboration des textes d'application de la loi n° 142.12 instaurant l'AMSSNuR et assurant la sûreté des usages civils du nucléaire. Cette démarche vise à encadrer, avec les plus hauts standards internationaux, des usages potentiels à des fins médicales, industrielles ou scientifiques. S'agissant des énergies renouvelables, la loi n° 40.19, venant enrichir le corpus de la loi n° 13.09, introduit des mesures destinées à assainir le climat d'investissement, à réduire les délais administratifs et à garantir l'accès aux informations techniques. Un arrêté délimite désormais des zones spécifiquement affectées à la production solaire, apportant de la clarté foncière indispensable au financement des projets. Rationalisation énergétique et sobriété publique En matière de rendement énergétique, le projet de décret n° 2.21.1090 définit les obligations des sociétés de services énergétiques, tandis qu'un autre texte fixe la liste des administrations tenues de maîtriser leur consommation. Ces mesures s'inscrivent dans une perspective de réduction des externalités économiques négatives induites par le gaspillage énergétique, notamment pour les finances publiques. Des arrêtés conjoints avec le ministère de l'Industrie, l'AMEE et l'IMANOR établissent des normes minimales de performance énergétique applicables à divers appareils électroménagers et industriels. Ils visent à structurer un marché de l'équipement plus efficient, porteur d'économies d'échelle et de gains de compétitivité pour les opérateurs nationaux. Un programme spécifique en cours d'élaboration portera sur la garantie de qualité dans le domaine photovoltaïque, couvrant toutes les étapes de la chaîne de valeur : des composants à la mise en service. Cette démarche devrait améliorer la bancabilité des projets, susciter la confiance des consommateurs et favoriser la longévité des installations raccordées au réseau. Mise à niveau du droit minier Le secteur minier n'échappe pas à cette mise en revue législative. Une révision de la loi n° 33.13 est en préparation, visant à renforcer la transparence des procédés d'attribution, à encadrer les pratiques d'extraction et à intégrer les exigences environnementales. Un statut unifié des salariés miniers, prévu par la loi n° 90.21, remplacera le dahir n° 1.60.007. En parallèle, le décret relatif au règlement général d'exploitation fixe les standards techniques, les dispositifs de sécurité et les modalités d'intervention sur les sites. Régulation des explosifs civils La loi n° 22.16, publiée en 2018, a posé les fondements d'un encadrement rigoureux des matières explosives à usage civil. Deux décrets d'application, adoptés en novembre 2019, précisent les prérogatives des commissions compétentes et les conditions de délivrance des cartes de contrôle. Ils ont été ajustés pour s'harmoniser avec la loi n° 55.19, qui consacre la simplification des procédures administratives. Leur validation par le ministère de l'intérieur est imminente. Souveraineté normative et sécurité économique À travers cette mosaïque de réformes, les autorités énergétiques ont assuré vouloir bâtir une souveraineté normative propre à garantir la stabilité de ses approvisionnements, la robustesse de ses filières industrielles et la durabilité de ses engagements environnementaux. Toutefois, inscrire l'économie nationale dans une trajectoire de soutenabilité est confronté aux conflits d'intérêts et aux résistances des courants rentiers.