À l'heure où les cours mondiaux s'effondrent, l'écart persistant entre le prix international du brut et les tarifs domestiques nourrit l'indignation. Pour nombre d'acteurs sociaux, ce déséquilibre alimente un sentiment d'injustice économique dont les conséquences, préviennent-ils, pourraient se faire lourdement sentir. Les marchés pétroliers internationaux connaissent un repli soutenu : le baril de WTI est tombé lundi 7 avril sous les 60 dollars, seuil qu'il n'avait plus franchi à la baisse depuis avril 2021. Cette dégringolade, amorcée à la suite de l'annonce de nouveaux droits de douane américains, ne semble pourtant produire aucun effet tangible sur les prix à la pompe au Maroc. Une situation que nombre d'observateurs qualifient de distorsion économique aux effets préoccupants. Dans un contexte de repli généralisé des prix mondiaux de l'énergie, le maintien de tarifs internes largement au-dessus des moyennes d'avant 2015 — période de libéralisation du secteur — apparaît pour beaucoup comme une anomalie. Le litre de gazole continue de s'échanger à plus de 11 dirhams, celui de l'essence dépasse les 13 dirhams, alors que les simulations fondées sur l'ancienne structure tarifaire feraient apparaître des plafonds respectifs de 9,80 et 11,20 dirhams. «Ce décalage manifeste entre le prix d'acquisition sur le marché international et celui imposé au consommateur relève d'un transfert déguisé de richesse au profit d'intérêts privés», dénonce Elhoussine Elyamani, secrétaire général du Syndicat national du pétrole et du gaz (SNPG). Il souligne, par ailleurs, que les marges dégagées par les distributeurs ont presque doublé en deux ans, passant de 8 à plus de 13 milliards de dirhams, sans encadrement effectif de la part des autorités de régulation. D'un point de vue macroéconomique, cette rigidité des prix domestiques comporte plusieurs conséquences : elle affaiblit la capacité de consommation des ménages, pèse sur les coûts de production des secteurs stratégiques, et alimente indirectement des tensions inflationnistes. Le renchérissement persistant des carburants agit également comme un frein à la mobilité, affectant les équilibres territoriaux et les activités rurales. Le SNPG plaide pour une remise à plat du cadre instauré depuis la libéralisation de 2015. Il propose le rétablissement de mécanismes de plafonnement temporaire, une révision de la fiscalité appliquée aux carburants, la réhabilitation de la raffinerie nationale Samir et l'extension des capacités de stockage, en vue de modérer les effets de la volatilité externe.