* La 2ème édition du «Women's Tribune», tenue à Essaouira le week-end dernier, a placé le satut de la femme au cur de la problématique du pouvoir et des modes de gouvernance politique. * Luc Ferry, philosophe et homme politique français, exprime dans cet entretien sa non reconnaissance du système des quotas en tant qu'accélérateur de la participation et de la représentation politique des femmes et leur élection à des postes de responsabilité. - Finances News Hebdo : Quel regard portez-vous sur l'évolution de la situation de la femme au Maroc ? - Luc Ferry : D'après ce que je sais c'est que la politique engagée par le Roi Mohammed VI est quasiment-révolutionnaire. Cela a été aussi souligné par plusieurs participants lors de cette rencontre. Le Maroc est un pays qui est à l'avant-garde au sein des mondes arabe et africain. Cela est palpable. Personnellement, ce que j'admire dans l'expérience marocaine c'est qu'elle a été menée sans instaurer un système de quotas. Les quotas peuvent être utiles quand il y a de très grands retards. Des exemples en France attestent que des femmes peuvent très bien réussir leur carrière politique sans devoir être protégées par le Président de la République ou la sphère influente du pouvoir. Je pense aussi que l'optique du quota peut rendre les femmes «handicapées» en politique. Le succès de Ségolène Royal ou de Martine Aubry est dû essentiellement à leurs talents et pas aux quotas. Cette notion de ne devoir son succès à personne ni au quota est très importante car c'est cela qui donne l'exemple aux autres femmes et indique le chemin à suivre. Par ailleurs, dans certains pays s'il faut passer absolument par un quota, il faut le faire d'une manière provisoire. - F.N.H. : Comment expliquez-vous que la vie privée peut avoir une influence sur la carrière politique des femmes ? - L.F. : La femme, dans la vie privée, est un chef de famille qui est amené à «gouverner» soit directement soit dans l'ombre. Mais ce que je remarque de plus en plus c'est qu'il y a une universalisation des valeurs de la vie privée des femmes. Des valeurs comme l'amour, la vie en famille passent désormais devant la carrière, l'argent, la réussite. Entre un grand amour et une grande carrière, les hommes optent eux aussi pour le premier. Il y a une évolution dans ce sens qui marque un tournant par rapport aux mentalités d'il y a 50 ans. - F.N.H. : Vous avez déjà été ministre de l'Education nationale en France. Que pensez-vous du processus de réformes mené par le Maroc ? - L.F. : Je pense que deux choses interpellent. D'abord, vous avez un niveau scientifique qui est très élevé dans un certain nombre de filières, notamment en mathématiques et en médecine. Ceci est très important au sein d'une mondialisation qui impose une capacité d'innovation sans répit. En revanche, là où il reste d'énormes progrès à faire c'est en matière de recrutement des enseignants du primaire surtout. Il va falloir faire très attention lors des concours de recrutement. La deuxième remarque concerne le domaine de la formation professionnelle. Je pense qu'il faudrait chercher des voies d'excellence en n'insérant pas uniquement les sans bac + 2 ou +3, mais aussi les licenciés et les bac + 5. Cela permet d'aller plus loin dans ce domaine.