Depuis les débuts du XIXème siècle, à l'aube de la maturité industrielle et de l'affirmation des idéaux libéraux, le monde économique commençait déjà à entrevoir les promesses portées par le libre-échange. Au moment où les révolutions industrielles transformaient profondément les modes de production et d'échange, économistes, dirigeants et acteurs économiques percevaient les potentialités de l'ouverture des marchés. Le libre-échange s'est alors imposé progressivement comme un vecteur de création de richesses, capable de stimuler l'activité économique en élargissant les horizons des marchés nationaux, sans droits de douane et barrières réglementaires qui freinaient le commerce et qui encourageaient surtout les Etats à prôner des politiques protectionnistes, dernier bastion de souveraineté à l'époque. Si ce système, qui a connu des hauts et des bats durant les 23 dernières décennies, a été la norme de la bilatéralité commerciale, aujourd'hui, la guerre douanière déclarée par le président américain, Donald Trump, dans la nuit du mercredi 2 au jeudi 3 avril, annonce en réalité la fin du paradigme commercial selon lequel les Etats-Unis ont largement contribué à bâtir et surtout à promouvoir. Une annonce qui a profondément chamboulé les marchés mondiaux, surtout européens et asiatiques, où l'impact des exportations industrielles est considérable, transformant les indicateurs économiques en véritables signes de risque élevé. Au Maroc, pays peu exposé à la volatilité internationale grâce à des politiques budgétaires et monétaires stables, ainsi qu'à un flottement strictement régulé, cette contraction implique malgré tout une reconfiguration incertaine des chaînes de valeur. Depuis l'entrée en vigueur de l'ALE avec les Etats-Unis en 2006, la suppression des droits de douane a favorisé une ouverture bénéfique des marchés, non seulement pour le commerce, mais aussi, et surtout, pour les investissements. La nouvelle grille douanière constituera, certes, un manque à gagner énorme pour le Royaume, mais l'Histoire a montré que Rabat a toujours su tirer parti des situations difficiles à son avantage. Même durant la période 2017-2021, lorsque le monde redoutait le mandat de Trump à la tête des Etats-Unis, le Maroc a su jouer habilement ses cartes et convaincre le président américain de reconnaître sa souveraineté sur le Sahara, un sujet sur lequel ses prédécesseurs ont longtemps tergiversé. Comme quoi, même dans la folie, subsiste parfois une part de sagesse et de justesse. Et cette fois-ci, l'Histoire ne dérogera certainement pas à la règle.