Les Français auraient-ils mal à leur identité nationale? Nourriraient-ils des doutes quant à ce qu'ils sont? On peut se le demander depuis la semaine dernière. En effet, l'ancien socialiste Eric Besson, devenu un des plus zélés disciples du président Sarkozy, a lancé dans l'urgence «un grand débat» sur ce sujet, qui devrait durer deux mois ou trois. La question posée est celle-ci : «Qu'est-ce qu'être Français?». Des conférences-débats seront organisées dans la précipitation par les préfectures. Un site internet vient d'être mis en fonction, permettant à chacun de donner ses réponses. La synthèse de toutes ces expressions devrait pouvoir être disponible au début du mois de février... juste avant les élections régionales de mars. Le lancement de ce «grand débat public» n'est pas une surprise. La question de «l'identité nationale» est un thème cher à Nicolas Sarkozy, dont on sait qu'il a créé un ministère «de l'immigration... et de l'identité nationale», celui-là même dont est titulaire Monsieur Besson. Pourquoi cette «obsession sarkozienne»? Parce que le président français a lui-même des origines étrangères récentes? Parce que sa conquête du pouvoir dans les urnes s'est faite en ravissant au Front National de Monsieur Le Pen toute une partie de son électorat, et qu'il faut continuer à «chauffer» ces électeurs? Parce qu'il y aurait une réelle inquiétude dans la société française, à cause de la forte visibilité d'un islam militant fondamentaliste? L'initiative de Monsieur Besson vient quelques mois après celle d'un député communiste du Rhône, André Gerin, qui est parvenu à la création d'une commission parlementaire destinée à préparer l'interdiction du port de la burqa en France. Il apparaît pourtant de plus en plus que l'interdiction d'un vêtement à connotation religieuse, culturelle ou politique est impossible selon le droit français, et que cette commission risque de ne déboucher sur rien, ou presque! Ce n'est pas la première fois que la droite française tente de lancer le débat sur l'identité nationale. A la fin des années 1980, Jacques Chirac, alors Premier ministre, subissait déjà les pressions du Front National et crut pouvoir s'engager dans une réforme du Code de la nationalité. Selon certains, trop de jeunes Maghrébins et Africains noirs obtenaient «trop facilement» la nationalité française! Chirac s'aperçut très vite que la non-maîtrise de ce débat laissait libre cours à de dangereuses expressions xénophobes. Il eut alors la sagesse de mettre en place un «Comité des Sages» qui, durant plusieurs mois, se mit à l'écoute d'un grand nombre de personnalités et de représentants de la société civile. Les auditions étaient publiques et retransmises en direct à la télévision. Ce fut un grand moment de réflexion collective. Le débat lancé avec une urgence qui a de forts relents électoraux, paraît bien peu maîtrisé. On peut craindre qu'il ouvre toute grande la porte aux expressions de racisme et de xénophobie. Il n'est pas sûr que l'«identité nationale» française y manifeste ses meilleurs côtés! Une «identité nationale» peut, en effet, faire se côtoyer le meilleur et le pire. Etant le fruit momentané d'une histoire toujours en construction, elle existe dans un déséquilibre où, hélas, la balance penche facilement du côté des radicaux et des irresponsables.