Il y a presque une unanimité au sein de la majorité à accuser Eric Besson d'avoir fourvoyé le président de la République dans un chemin miné. Qui aurai cru un instant qu'Eric Besson, un obscur technocrate du Parti socialiste, allait devenir en si peu de temps, non seulement le ministre préféré de Nicolas Sarkozy mais aussi «l'homme le plus détesté de France», pour reprendre le titre incendiaire d'un magazine polémique ? Personne. Même par Eric Besson lui-même. L'homme n'avait aucun ingrédient pour accomplir une telle performance. Une déclamation timide en forme de murmures qui refroidirait les foules les plus enthousiastes, un look d'un agent comptable d'un grand groupe de distribution, tout juste apte à quantifier les entrées et les sorties. Bref, le charisme politique et Eric Besson appartenaient de toute évidence à deux mondes différents. Et pourtant aujourd'hui, à l'heure où la Sarkozie se tâte pour voir quelle direction prendre, Eric Besson, ministre de l'Immigration et de l'Identité nationale, est à la fois le plus populaire et le plus contesté des ministres du gouvernement de François Fillon. Si contesté que même la majorité présidentielle commence à le considérer comme un vrai danger. D'ailleurs à ce sujet, une blague politiquement salace fait déjà le bonheur des chansonniers : Et si la trahison d'Eric Besson au profit de Nicolas Sarkozy n'était en réalité qu'une stratégie électorale sournoisement montée comme une opération de camouflage par l'état-major du Parti socialiste pour faire perdre Nicolas Sarkozy en 2012 ? Ce genre d'interrogations, certes farfelues et issues d'une imagination fertile, traduit le grand malaise qui traverse la majorité présidentielle. La grande famille de la droite coalisée autour de Nicolas Sarkozy semble avoir besoin d'un bouc émissaire sur lequel accrocher ses misères et ses angoisses. Eric Besson a le profil rêvé : Un renégat qui peut encaisser les coups et les critiques sans grandes conséquences. Eric Besson, dans ses grands moments de lucidité, a beau affirmer que le débat sur l'identité nationale dont on lui reproche aujourd'hui les dérives, n'était qu'une concrétisation d'une promesse électorale du candidat Sarkozy, rien n'y fait. Il y a presque une unanimité au sein de la majorité à accuser Eric Besson d'avoir fourvoyé le président de la République dans un chemin miné. Les plus indulgents s'abstiennent de lui reprocher la paternité d'un tel débat mais mettent la responsabilité de sa mauvaise gestion sur les épaules d'Eric Besson dont les qualités de pyromane et d'amateur brillent brusquement de mille feux. Si Eric Besson ne trouve plus grâce aux yeux de la famille politique de Nicolas Sarkozy, c'est un déchainement de colère et de haine qu'il continue de provoquer au sein des ex amis socialistes qui poussent la déception jusqu'à le qualifier «d'exécuteurs de basse œuvres de Nicolas Sarkozy» et de comparer son itinéraire et son action à ceux des collaborateurs du temps du Maréchal Pétain sous domination allemande. Malgré lui, Eric Besson campe le rôle de la victime expiatoire dans l'équation Sarkozy. Comment le sortir de l'œil du cyclone de la haine nationale et par la même occasion extraire l'ensemble du pays de ce débat sur l'identité nationale sans donner l'impression d'une reculade ? Tel est le pari sur lequel l'action du président de la République sera évaluée en 2010.