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Le président de X-Links menace de délocaliser la liaison reliant le Maroc au Royaume-Uni face à l'inaction de Londres et qualifie Rabat de «future puissance des énergies renouvelables»
Le projet X-Links, d'un montant de 25 milliards de livres sterling, prévoit d'acheminer chaque jour jusqu'à 3,6 gigawatts d'électricité solaire et éolienne du Maroc vers le Royaume-Uni grâce à 4 000 kilomètres de câbles sous-marins, permettant d'alimenter neuf millions de foyers et de réduire de 10 % les émissions de CO2 du secteur énergétique britannique. Mais après quatre ans de démarches et face aux lenteurs administratives, ses investisseurs menacent de se tourner vers l'Allemagne ou d'autres marchés. Un retard qui met également en péril la construction d'une usine en Ecosse, censée employer 1 200 personnes. Le Royaume-Uni risque de perdre un projet énergétique novateur de 25 milliards de livres sterling, destiné à alimenter neuf millions de foyers en électricité à moindre coût si les autorités ne lèvent pas les obstacles administratifs qui entravent son avancement. Dave Lewis, président de X-Links et ancien dirigeant du groupe Tesco, a mis en garde, dans un entretien accordé au Telegraph, contre la lenteur des décisions ministérielles qui pourrait pousser les investisseurs à délocaliser cette entreprise d'envergure. À l'heure où la transition énergétique est un enjeu crucial, il souligne que les capitaux nécessaires sont disponibles, mais que «l'attentisme gouvernemental pourrait compromettre définitivement cette perspective.» Un projet sans précédent Le projet prévoit de capter l'énergie solaire et éolienne dans la région saharienne de Tan-Tan, au Maroc, avant de la transporter vers la Grande-Bretagne grâce à 4 000 kilomètres de câbles sous-marins à très haute tension. L'électricité ainsi produite serait disponible quasi instantanément, avec une capacité de production estimée à 19 heures par jour, en raison des conditions météorologiques particulièrement favorables du sud marocain. Avec un tarif demandé avoisinant 70 livres par mégawattheure (MWh), cette source d'énergie se positionne comme une alternative plus compétitive que le nucléaire, la biomasse ou l'énergie marémotrice. En comparaison, les fermes éoliennes offshore britanniques, bien que proches en termes de coût, restent soumises aux aléas climatiques. Des financements abondants mais une impasse politique Selon M. Lewis, le volet financier ne constitue pas un obstacle : 8 milliards de livres ont déjà trouvé preneurs et les tests effectués sur le marché obligataire pour lever les 17 milliards restants ont suscité une offre excédant largement les attentes. Cependant, X-Links attend toujours la validation d'un contrat d'achat garanti à long terme par le gouvernement, nécessaire pour sécuriser l'investissement. Malgré son statut de «projet d'importance nationale» accordé il y a 18 mois, le dossier demeure en suspens. La décision repose désormais entre les mains du ministre britannique de l'énergie, Ed Miliband, dont l'aval est indispensable pour fixer un prix d'achat stable de l'électricité produite. Un avenir incertain pour l'industrie britannique L'incertitude entourant l'avenir de X-Links menace également la construction d'une usine en Ecosse, à Hunterston (Ayrshire), où 1 200 emplois sont attendus pour la fabrication des câbles nécessaires au projet. Le site, stratégiquement implanté à proximité d'eaux profondes permettant le transport maritime, devait également approvisionner d'autres infrastructures énergétiques de même nature. Toutefois, face aux lenteurs administratives britanniques, X-Links mène en parallèle des discussions avec d'autres pays, notamment l'Allemagne, pour y transposer un projet identique. Une décision de relocalisation entraînerait alors la délocalisation de l'unité de production de câbles, privant ainsi le Royaume-Uni des retombées économiques de cet projet. M. Lewis se montre ferme : «Nous avons suivi toutes les procédures requises depuis quatre ans. Si la situation ne se débloque pas rapidement, nous devrons nous tourner vers d'autres options.» L'enjeu dépasse le seul cadre industriel. Outre la réduction des émissions de 10 % du secteur électrique britannique, le projet X-Links représente une étape clé dans la diversification des sources d'approvisionnement énergétique du pays. Un retard supplémentaire pourrait compromettre définitivement la participation du Royaume-Uni à cette avancée stratégique. L'instabilité ministérielle sous les gouvernements conservateurs a entravé l'avancement du projet. «Nous avons connu cinq ministres de l'énergie en moins de trois ans... Les interruptions successives, puis les élections générales, ont mis à rude épreuve la patience de nos partenaires financiers», confie-t-il. Un modèle énergétique complémentaire aux ressources britanniques Le Maroc, qualifié par M. Lewis de «future puissance des énergies renouvelables», dispose d'atouts naturels considérables. L'ensoleillement constant du Sahara et les vents puissants de l'Atlantique permettent d'assurer une production énergétique stable sur 19 heures par jour, soit un niveau de fiabilité supérieur aux infrastructures britanniques. «Lorsque le vent cesse de souffler en mer du Nord, nous nous retrouvons face à une diminution brutale des capacités de production. X-Links apporte une solution contre-cyclique qui préserve la continuité de l'approvisionnement», explique-t-il. Une concurrence internationale grandissante Cependant, le Royaume-Uni n'est plus l'unique destination envisagée par X-Links. Devant les lenteurs administratives, l'entreprise étudie des alternatives, notamment en Allemagne et dans un second pays dont l'identité n'a pas été précisée. M. Lewis met en garde contre la multiplication de projets concurrents exploitant la même technologie de courant continu haute tension (HVDC) : «Il y a près de 30 initiatives similaires dans le monde. Plus nous tardons, plus nous risquons de perdre nos investisseurs au profit d'autres marchés.» L'usine de Hunterston (Ecosse), destinée à la fabrication des câbles sous-marins et censée employer 1 200 personnes, pourrait ainsi être relocalisée ailleurs. «Nous avons besoin d'un engagement clair. Si les autorités persistent à repousser leur décision, nous devrons envisager d'autres options», prévient-il. Des inquiétudes sur la souveraineté énergétique L'hostilité de Westminster à l'égard d'une source d'approvisionnement étrangère constitue un autre obstacle. Depuis le conflit en Ukraine, le gouvernement britannique privilégie le renforcement de sa production nationale, notamment dans le domaine nucléaire. Un raisonnement que m. Lewis juge infondé : «Toutes les matières premières nécessaires aux centrales atomiques proviennent de l'étranger. Pourquoi ce raisonnement s'appliquerait-il à X-Links et non au nucléaire ?» Les craintes relatives à une possible vulnérabilité des câbles sous-marins sont également balayées. Selon lui, leur profondeur les protège des ancres de navires et toute tentative de sabotage relèverait d'un acte de guerre. Enfin, l'idée que ce projet exploiterait les ressources d'un pays en développement est catégoriquement rejetée. «Ce projet est porté par le Maroc lui-même», affirme-t-il, mettant en avant la création de 10 000 emplois dans le royaume et l'ampleur des investissements qu'il générera.