Après des mois de tensions et d'inertie diplomatique, Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune ont convenu lundi 31 mars, lors d'un entretien téléphonique, de rétablir leur dialogue et de relancer la coopération entre la France et l'Algérie. Cette reprise, annoncée par un communiqué conjoint, s'articule autour de la coordination sécuritaire et de la gestion migratoire, deux dossiers devenus hautement sensibles. Victoire, donc, de Paris qui parvient à garantir l'intangibilité de son soutien historique en faveur de l'intégrité territoriale du Maroc. L'Elysée, qui a multiplié les signaux en faveur d'un déblocage, semble imposer son tempo en mettant en avant des «résultats concrets» à atteindre. Le ministre des affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, se rendra prochainement à Alger afin de structurer cette relance, dont les contours restent à préciser. Un cadre fixé par Paris Les relations entre les deux pays s'étaient envenimées depuis l'été 2024, lorsque la France avait affiché son soutien au plan d'autonomie marocain pour le Sahara. La crise s'est aggravée à l'automne avec l'arrestation en Algérie de l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal, condamné à cinq ans de prison ferme en raison de déclarations jugées attentatoires à l'intégrité territoriale du pays. Plus récemment, l'attentat de Mulhouse du 22 février, perpétré par un Algérien sous le coup d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF), a braqué Paris contre Alger, accusé de faire obstacle aux reconduites à la frontière. L'Elysée a depuis redoublé de pression sur ce dossier, en réclamant un rétablissement immédiat des mécanismes de réadmission. Face à ces tensions, Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune ont réaffirmé la nécessité d'un dialogue «d'égal à égal», fondé sur «les intérêts stratégiques et sécuritaires respectifs» et sur «les liens humains unissant les deux pays.» Une formule qui, derrière son apparente symétrie, traduit la volonté française d'imprimer son rythme à la relance de la relation bilatérale. Une coopération sécuritaire et migratoire probablement relancée Le communiqué conjoint insiste sur deux axes prioritaires : la lutte contre le terrorisme et les trafics transnationaux d'une part, la gestion des flux migratoires d'autre part. Sur le volet sécuritaire, la coopération entre les services français et algériens, en veilleuse depuis plusieurs mois, doit être réactivée «sans délai.» La France, qui s'appuie en partie sur l'Algérie pour le partage de renseignements dans la bande sahélo-saharienne, entend rétablir ce canal de coordination. Concernant la question migratoire, source de vives tensions ces dernières semaines, l'Elysée a obtenu l'engagement d'une reprise des discussions. La question des OQTF, à l'origine d'un bras de fer entre les deux capitales, demeure néanmoins un point de friction majeur. Paris exige une accélération des procédures de réadmission alors qu'Alger n'a jamais dissimulé sa réticence à accepter un retour massif de ses ressortissants expulsés de France. Dossier Sansal : Macron insiste sur un geste de clémence En marge de ces discussions, Emmanuel Macron a plaidé auprès de son homologue en faveur d'un «geste d'humanité» pour Boualem Sansal. L'écrivain, condamné en Algérie pour des propos tenus sur un média français classé à l'extrême droite, est devenu un symbole de la crispation entre les deux Etats. Si l'Elysée a évité toute déclaration frontale, l'appel du chef de l'Etat français marque une nouvelle tentative d'intervention dans un dossier hautement sensible pour Alger.