Engagée dans un bras de fer avec Paris depuis plusieurs mois, l'Algérie multiplie désormais les gestes d'apaisement tandis que la France, solidement campée sur ses positions, poursuit son action diplomatique avec fermeté. Samedi 22 mars, lors d'un entretien télévisé accordé à un groupe de journalistes de médias publics, le président Abdelmadjid Tebboune a cherché à dissiper les tensions, qualifiant le différend actuel de «contentieux créé de toutes pièces.» Tout en concédant l'existence d'un «moment d'incompréhension», il a tenu à souligner que son «unique point de repère» demeure son homologue français, Emmanuel Macron. «Tous les problèmes doivent se régler avec lui ou avec la personne qu'il délègue», a-t-il affirmé, précisant que la situation est désormais «entre de bonnes mains.» Une position affaiblie sur la scène diplomatique Ces déclarations interviennent alors qu'Alger semble progressivement perdre du terrain dans ce face-à-face avec Paris. La crise, déclenchée par le soutien explicite apporté par M. Macron, en juillet 2024, à la souveraineté du Maroc sur le Sahara, avait conduit l'Algérie à rappeler son ambassadeur en France. Toutefois, malgré les protestations répétées du gouvernement algérien, l'Elysée n'a à aucun moment infléchi sa position. L'ire d'Alger s'est ravivée après les visites officielles de la ministre de la culture, Rachida Dati, et du président du Sénat, Gérard Larcher, dans ce territoire. «Des visites aussi ostentatoires», a déploré Tebboune. Mais ces protestations restent sans effet sur la diplomatie française, qui poursuit son rapprochement avec Rabat. L'affaire Boualem Sansal, un point de crispation supplémentaire La situation s'est encore envenimée à l'automne avec l'arrestation, en Algérie, de l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal, poursuivi pour des déclarations jugées attentatoires à l'intégrité du territoire national. Paris a immédiatement élevé la voix, M. Macron exhortant son homologue algérien à résoudre ce dossier «pour rétablir la confiance.» Le sort de l'écrivain, atteint d'un cancer et pour lequel le parquet d'Alger a requis dix ans de prison ferme, est désormais perçu comme un test du rapport de forces entre les deux capitales. «J'ai confiance dans le président Tebboune et sa clairvoyance pour savoir que tout cela n'est pas sérieux», a déclaré M. Macron jeudi, réclamant une issue rapide. Une pression directe à laquelle Alger, jusque-là intransigeante, pourrait être contrainte de céder. Une politique migratoire française inflexible Autre sujet de discorde : les expulsions de ressortissants algériens sous obligation de quitter le territoire français (OQTF). La France, confrontée au refus d'Alger d'admettre certains de ses ressortissants expulsés, a brandi la menace d'une «riposte graduée», selon les termes du ministre de l'intérieur, Bruno Retailleau. Tebboune, soucieux de tempérer l'escalade, a tenté de replacer le débat sur le terrain des principes. «Il faut savoir raison garder, nous avons d'excellentes relations, beaucoup d'amis [en France] qui aiment l'Algérie», a-t-il déclaré. Mais son plaidoyer peine à convaincre, Paris maintenant fermement sa ligne et refusant tout compromis sur ce dossier sensible. Une séquence défavorable pour Alger À mesure que les mois passent, la stratégie algérienne, d'abord offensive, s'érode face à la détermination française. Loin d'obtenir les concessions espérées, Alger se retrouve désormais en position de recul, contrainte d'adoucir son discours. Les déclarations de Tebboune traduisent moins une assurance diplomatique qu'un aveu implicite de la difficulté à peser sur les décisions de l'Elysée. Pendant que la France poursuit sa feuille de route sans infléchir sa posture, Alger tente de contenir une crise qui, sur plusieurs fronts, lui échappe.