L'adoption par le Conseil des ministres algérien d'un projet de loi sur la mobilisation générale n'est pas sans éveiller des interrogations, d'autant plus dans un contexte géopolitique tendu. Si cette initiative ne se traduit pas immédiatement par un décret de mobilisation, elle reflète une réalité inquiétante pour un régime algérien fragilisé. L'adoption par le Conseil des ministres algérien, dimanche 20 avril, d'un projet de loi relatif à la mobilisation générale suscite de nombreuses interrogations. Si l'Exécutif assure qu'il ne s'agit que d'un texte d'application prévu par la Constitution, le moment choisi, ainsi que le climat régional, donnent à cette décision une portée plus politique que juridique. Selon le communiqué de la présidence algérienne, ce projet de loi vise à "définir les dispositions liées aux modalités d'organisation, de préparation et de mise en œuvre de la mobilisation générale", telle que prévue à l'article 99 de la Constitution. Officiellement, il s'agit de combler un vide réglementaire. Mais officieusement, tout indique que le régime tente de verrouiller davantage le champ sécuritaire, en misant sur une menace extérieure encore diffuse pour réactiver les vieux réflexes d'encerclement et de repli. Un contexte explosif au Sahel Il faut dire que la décision d'Alger intervient dans une conjoncture régionale particulièrement tendue. La note attribuée au Conseil des commandants de Wagner-Mali, qui a circulé sur les réseaux sociaux dans les heures entourant le Conseil des ministres algérien, n'a rien arrangé. On peut y lire que le groupe paramilitaire russe s'apprêterait, avec les forces armées maliennes, à lancer une "opération à grande échelle dans le nord du pays", avec pour objectif final : "atteindre la frontière avec l'Algérie et en prendre le contrôle". Bien que l'authenticité de ce message n'ait pu être vérifiée, sa teneur alimente les angoisses et donne au pouvoir algérien une justification toute trouvée pour durcir sa posture sécuritaire. L'hypothèse d'une poussée armée jusqu'aux confins du territoire national permet, en creux, de réactiver l'unité autour de l'armée et d'écarter les revendications sociales en pointant un danger extérieur. https://twitter.com/wagner_mali/status/1913901553586421867?t=0DdE87vdDVUNPIEaHtyvwg&s=08régime à bout de souffle Mais au-delà du contexte sahélien, cette loi révèle aussi une fébrilité croissante à Alger. Après des décennies passées à faire du dossier du Sahara marocain une cause existentielle, le régime militaire semble de plus en plus isolé sur la scène internationale. À mesure que le processus onusien avance vers une solution définitive, et que le Maroc consolide ses acquis, Alger perd un levier essentiel qui a longtemps permis de canaliser les tensions internes. En vidant la scène politique, en réprimant toute opposition, en verrouillant l'espace médiatique et en misant sur le tout-sécuritaire, le pouvoir algérien s'est mis en position d'accusé. Car une fois l'agitation régionaliste ou diplomatique dissipée, il devra répondre d'un bilan médiocre marqué par une précarité croissante et un chômage endémique. Le pouvoir, dominé par une caste militaire vieillissante, n'a pas su transformer la manne énergétique en véritable développement. Face à cet échec, la tentation est grande de recourir à l'arsenal de l'exceptionnel : lois de mobilisation, rhétorique de la menace extérieure, posture d'encerclement. Le projet de loi sur la mobilisation générale ne fait donc que prolonger cette logique de fuite en avant. Il ne s'agit pas d'une réponse à une agression réelle ou imminente, mais d'une tentative préventive de militarisation de la société face à une usure du pouvoir désormais difficile à dissimuler. La menace, un prétexte commode En inscrivant ce texte dans l'agenda parlementaire, Alger tente de le dépolitiser. Mais le calendrier ne trompe personne. Il coïncide avec une montée des tensions géopolitiques dans la région, une rhétorique belliqueuse de plus en plus assumée, et un malaise croissant dans la population. La mobilisation générale devient ainsi un outil d'exception déguisé, prêt à être dégainé à la moindre secousse interne. Derrière les déclarations officielles rassurantes, l'Algérie se prépare donc non pas à la guerre extérieure, mais à une tempête intérieure. Le pouvoir veut pouvoir mobiliser, réquisitionner, contrôler, sans devoir passer par des états d'urgence classiques ni recourir à des justifications circonstanciées. C'est une loi de précaution... pour un régime qui doute de sa solidité.