Le président de l'INPPLC, Mohamed Benalilou, alerte contre les restrictions envisagées dans la nouvelle réforme du Code de procédure pénale, qui pourraient affaiblir le rôle des associations civiles dans la lutte contre la corruption. Le président de l'Instance nationale de la Probité, de la Prévention et de la Lutte contre la Corruption (INPPLC), Mohamed Benalilou, a défendu le droit des « »associations sérieuses » à se constituer partie civile dans les affaires liées à la corruption et à la gestion des deniers publics. Selon lui, il s'agit d'un « impératif normatif ». S'exprimant ce mardi devant la Commission de justice, législation et droits de l'Homme à la Chambre des représentants, lors de la présentation de l'avis de l'Instance sur le projet de loi n°03.23 modifiant et complétant le Code de procédure pénale (loi n°22.01), Benalilou a mis en garde contre certaines modifications prévues, lesquelles renvoient à des dispositions réglementaires ultérieures. Ces changements risquent, selon lui, de porter atteinte au rôle des organisations civiles engagées. Il a souligné : « il faut aborder cette question avec prudence et sens de la responsabilité. Toutes les associations ne se valent pas : deux personnes qui se réunissent ne forment pas nécessairement une association. Celle-ci est régie par des règles et encadrée par les autorités compétentes, qui doivent assumer pleinement leur rôle ». Il a ajouté qu'il est impératif d'avoir une vision claire quant à la limitation de l'espace constitutionnel et des libertés offertes aux associations. Le président de l'Instance a maintenu sa position, affirmant que « certaines associations sérieuses et légales œuvrent de manière transparente ». De son avis, il n'existe pas de justification solide pour revenir à l'ancienne rédaction de l'article 7 du Code de procédure pénale, insistant sur la nécessité de distinguer entre motivations réelles et simples prétextes. Benalilou a également plaidé pour une nouvelle dynamique en matière de signalement et de traitement des infractions liées à la corruption. « Cette dynamique doit être reflétée dans le texte même, et non uniquement observée sur le terrain », a-t-il soutenu. Il a en outre critiqué la baisse du pouvoir du ministère public en matière d'ouverture des enquêtes, estimant que le texte actuel limite son champ d'action, ce qui constitue, selon lui, un frein à une lutte efficace contre la corruption. « Il faut prêter attention aux causes qui ont motivé ces restrictions, car elles instaurent une double limitation injustifiée des prérogatives du parquet », a-t-il indiqué. Pour l'Instance, il s'agit d'une atteinte à l'objectif d'élargir et de protéger le statut du lanceur d'alerte. Benalilou a rappelé que la Convention des Nations unies contre la corruption met l'accent sur la participation des différentes parties prenantes dans l'effort de lutte. Il a ainsi appelé à « une réflexion sérieuse, prenant en compte l'ensemble des intérêts en jeu ». Le président de l'INPPLC a néanmoins salué certaines avancées du projet de loi, notamment l'introduction de « techniques spéciales d'enquête », qui répondent à des engagements internationaux en matière de détection de la corruption à l'ère numérique. Il a cité à ce titre l'intégration de l'analyse financière dans les enquêtes pénales, un outil jugé essentiel pour démanteler des réseaux de criminalité souvent complexes. « La corruption ne se limite pas à un pot-de-vin de 10 dirhams : il s'agit de crimes structurés, qu'il convient de traquer à l'aide de méthodes adaptées », a-t-il dit. Benalilou a affirmé que le projet de réforme du Code de procédure pénale s'inscrivait dans une vision intégrée de la lutte contre la corruption, et ne pouvait être perçu comme un simple texte technique. « Ce projet est fondamental. Il doit tenir compte de la réalité du phénomène, de l'évolution quantitative et qualitative des actes de corruption, et des impératifs d'une moralisation effective de la vie publique », a-t-il affirmé. Et de conclure : « nous avons une Constitution de troisième génération qui consacre la lutte contre la corruption comme une priorité nationale. Il est donc impératif d'aligner notre législation sur les objectifs des conventions internationales, notamment celle des Nations unies. L'ambition doit être d'adresser un message fort à l'ensemble des acteurs et à l'opinion publique, au-delà du simple cadre juridique ».