La gestion des ressources hydriques au Maroc repose sur une architecture institutionnelle où se côtoient les Offices régionaux de mise en valeur agricole (ORMVA), les Associations des usagers des eaux agricoles (AUEA) et la police de l'eau relevant des agences de bassins hydrauliques. Un rapport de l'Institut marocain d'analyse des politiques (IMAP) met toutefois en exergue les déséquilibres et les failles qui entravent cette gouvernance, à l'heure où la pression sur les réserves hydriques atteint un seuil critique. Le document souligne notamment les limites du modèle des AUEA, présentées comme un instrument d'intégration des communautés rurales dans un cadre réglementaire fondé sur le droit moderne, au détriment parfois de leurs usages coutumiers. Ces associations, loin d'être de simples collectifs d'usagers, servent en réalité d'intermédiaires privilégiés des autorités publiques dans l'exécution des orientations agricoles nationales. Leur autonomie décisionnelle s'en trouve réduite, bien que certains jeunes exploitants agricoles y voient un tremplin pour asseoir leur position, accéder à des cercles d'influence et tirer parti des perspectives d'investissement local, déplore un rapport circonstancié. Le rapport dresse également un constat préoccupant quant à l'action de la Police de l'eau, pourtant garante de la préservation des ressources. Confrontée à un déficit de moyens humains et financiers, son efficacité se trouve amoindrie par un manque de coordination avec l'appareil judiciaire. Dans le bassin de l'Oum Er-Rbia, qui s'étend sur quelque 35 000 km2, seuls cinq agents sont affectés à la surveillance de l'ensemble du territoire. Les procédures engagées par les agences de l'eau se heurtent à des lenteurs administratives, et la plupart des infractions constatées – dont 90 % concernent le forage illégal de puits – demeurent impunies ou insuffisamment réprimées. Cette inertie institutionnelle revêt une acuité d'autant plus grande que le Maroc traverse une crise hydrique sévère. Le bassin de l'Oum Er-Rbia a enregistré un déficit pluviométrique de 44,6 % durant l'année hydrologique 2023-2024, entraînant une baisse alarmante des apports aux barrages, dont le taux de remplissage ne dépassait pas 5 % au 17 février 2025. À cette date, le barrage Al Massira, deuxième plus grande retenue du pays, affichait un niveau critique de 2,3 %. Face à cette situation, le gouvernement a mobilisé une enveloppe de 836 millions de dirhams (environ 79,6 millions d'euros) afin d'assurer la continuité de l'approvisionnement en eau potable. Ce plan prévoit notamment l'édification de nouveaux barrages à Tagzirth et Oued Lakhdar, ainsi que la surélévation de l'ouvrage d'Imfout, sans oublier la mise en service de stations de dessalement à Safi et dans la région de Casablanca-Settat. Ces mesures suffiront-elles à endiguer la crise ? La question demeure entière d'après le rapport, tant la gestion de l'eau au Maroc souffre d'une fragmentation décisionnelle et d'une vigilance insuffisante face aux abus.