Eric Besson vient de jeter un gros pavé dans la mare en affirmant que «la France n'a pas de raison quantitative d'encourager l'immigration». Ce n'est pas un hasard si les commentateurs trouvent une ressemblance à la limite du mimétisme entre Nicolas Sarkozy et son ministre de l'Immigration et de l'Identité nationale Eric Besson. A tel point que dans le casting gouvernemental actuel, l'ex-éminence économique du Parti socialiste campe le rôle de la plus fidèle reproduction du président de la République. Eric Besson a compris une chose essentielle : il est à la tête d'un ministère qui, dans un contexte électoral de crise, peut lui garantir une présence permanente au-devant de la scène. Le ministre de l'Immigration ne s'en prive pas. Après avoir lancé le débat sur l'identité nationale, censé pousser les Français à réfléchir à haute voix sur ce qu'il veut être, voilà qu'il s'est mis en tête de démystifier quelques idées reçues sur l'immigration au risque d'y aller avec la délicatesse et la passion des nouveaux convertis. Eric Besson vient de jeter un gros pavé dans la mare en affirmant que «la France n'a pas de raison quantitative d'encourager l'immigration» et qu'il n'y a pas de besoin démographique qui la justifierait. L'écho provoqué par une telle déclaration provient du fait qu'elle s'oppose frontalement à une idée largement établie à gauche comme à droite selon laquelle la population française vieillissante et au faible taux de natalité aurait besoin, pour maintenir une compétitivité et une production, d'ouvrir ses portes aux gens venus d'ailleurs pour l'enrichir et la féconder. Pour défendre cette posture qui va à contre-courant de la religion établie en la matière, Eric Besson invoque deux points essentiels qu'il veut connexes : la lutte sans merci qu'il compte mener aux réseaux et aux filières de l'immigration clandestine et la défense des intérêts des immigrés réguliers. Il fait de la morale à ceux de plus en plus nombreux et bruyants qui se mobilisent en France pour appeler à une régularisation des immigrés clandestins : «Ceux qui font profession de défendre les sans-papiers devraient s'intéresser aussi aux étrangers en situation régulière, touchés à hauteur de 26% par le chômage, en butte parfois à des discriminations». Avant cette sortie sur la démographie qui n'est plus un besoin pour justifier le recours à l'immigration, Eric Besson s'était attiré les grands titres de l'actualité en dénonçant ce qu'il avait appelé «les mariages gris», ces mariages mixtes sur lesquels pèse une lourde suspicion d'être plus un moyen d'obtenir davantage un titre de séjour que de fonder un foyer. L'expression «mariage gris» a été qualifiée par le Syndicat de la magistrature «d'expression volontairement indigne et infamante». La gauche est montée au créneau pour la dénoncer avec violence: «Le mariage entre Français et étrangers, voilà la nouvelle phobie revendiquée par ce ministre qui une fois encore déshonore la République avec de tels propos. On savait qu'Eric Besson n'aimait pas «la France solidaire», on sait maintenant qu'il déteste aussi «la France qui aime». Pris dans ce piège, Eric Besson rétorque en affirmant qu'il défendait bel et bien «les mariages mixtes (qui) contribuent au métissage de la société française», mais que son souci principal était de combattre «les escroqueries à la naturalisation». Les détracteurs du ministre Besson l'accusent d'agiter ainsi le chiffon rouge de l'immigration pour tenter de ratisser large les espaces politiques occupés par l'extrême droite. Et ce, en s'emparant de tous leurs leviers de contestation. Alors que certains voient dans ce passage de vitesse en voulant absolument crever quelques abcès, une manière de reconnaître que le débat sur l'identité nationale qu'il a initié ne remplit pas l'ensemble des missions. Le temps était venu de lui donner un coup de fouet qui claque et mobilise.