Le Front National, en tant que parti politique, n'attirait ces derniers temps l'attention des gros titres qu'à travers deux angles bien précis. Le premier touche à ses difficultés financières et le second a trait à la difficile succession du vieux chef. A tort ou à raison, le sentiment installé est que sous l'ère de Nicolas Sarkozy, le phénomène «Jean-Marie le Pen» et toute l'extrême droite populiste, violente et xénophobe, qu'il incarne ressemble davantage à un vieux souvenir politique qui a longtemps torturé la droite dite républicaine qu'à une réalité politique agissante. Et pour cause, son héritage a été publiquement capté. D'abord par Brice Hortefeux, alors ministre de l'Immigration et de l'Identité nationale, qui a érigé le chiffre des expulsions comme seul étalon de la réussite de sa politique. Ensuite par l'ex-socialiste Eric Besson, devenu un emblème de l'ouverture de la Sarkozie, qui a installé la délation comme mode de gestion de la lutte contre l'immigration clandestine à travers une recette qui rappelle de mauvais souvenirs et qui consiste à «échanger des papiers contre des dénonciations de filières». Entre ces deux hommes et leur démarche, Jean-Marie le Pen avait une marge réduite pour continuer à exister. D'ailleurs, le Front National, en tant que parti politique, n'attirait ces derniers temps l'attention des gros titres qu'à travers deux angles bien précis. Le premier touche à ses soucis immobiliers et à ses difficultés financières et le second a trait à la difficile succession du vieux chef qui veut paver l'autoroute à sa fille Marine et dont une grande partie de l'état-major politique du FN refuse le leadership. Et voilà que, lançant sa candidature comme tête de liste de son parti aux élections régionales de 2010 en Provence-Alpes-Côte d'Azur, Jean-Marie le Pen, qui allégrement a dépassé les 80 printemps, refait parler de lui et provoque des étincelles. Lors d'une conférence de presse et s'attaquant au maire de la cité phocéenne Jean-Claude Gaudin qui selon lui «prétend qu'il y a 300.000 musulmans à Marseillais, le jour où il seront 800.000, le maire ne s'appellera plus Gaudin mais peut-être Ben Gaudin… l'immigration de masse tend à prendre l'allure d'une véritable colonisation». Cette sortie de Jean-Marie le Pen coïncide avec la confirmation de la Cour de cassation d'une condamnation à 10.000 euros pour provocation à la discrimination raciale pour des propos tenus en avril 2003 dans le journal «Le Monde» et répétés dans le journal de l'extrême droite «Rivarol» : «le jour où nous aurons en France, non plus 5 millions mais 25 millions de musulmans, ce sont eux qui commanderont (…) d'autant plus que quand je dis qu'avec 25 millions de musulmans chez nous, les Français raseront les murs, des gens dans la salle me disaient, non sans raison : «Mais M. Le Pen, c'est déjà le cas maintenant». La mairie de Marseille a réagi à ces propos en adoptant une dangereuse posture : comment s'indigner des propos volontairement xénophobes de Jean-Marie le Pen sans paraître exclure définitivement qu'un jour le maire de Marseille, effet Obama oblige, pourrait avoir des origines pas forcément hexagonales. Exercice périlleux à juger par ce communiqué de la mairie : «M. Le Pen, décidément, ne se bonifie pas avec l'âge, à chaque fois qu'il est en difficulté sur le plan politique ou financier, il jette l'opprobre sur une catégorie de Français». Cette charge est suivie d'une tentative politiquement correcte pour raisonner le chaland : «il est effectivement vraisemblable que dans l'avenir, Marseille aura un maire avec un nom à consonance étrangère, pour nous ce n'est pas quelque chose qu'on voit arriver avec horreur, mais au contraire, le couronnement de ce creuset culturel qu'est Marseille». Jean-Marie le Pen, qui vient de reporter à 2011 le congrès chargé de régler sa succession, veut profiter des prochaines échéances électorales pour montrer que le Front National dispose encore de force et de souffle. Il minimise l'épreuve que traverse actuellement son parti : «Il a suffi d'un seul échec, celui des législatives, pour que la classe médiatique considère que nous n'existons plus (…) Sarkozy a même dit : «j'ai tué le FN». Nous allons montrer à Monsieur Sarkozy que nous sommes un peu plus enracinés que lui». Jean-Marie le Pen compte évidemment sur les effets de la crise économique et éventuellement l'incapacité de Nicolas Sarkozy à apporter les réponses qui rassurent pour surfer sur l'angoisse des Français et redonner à son discours le lustre qu'il a perdu.