Eric Besson est en train de prendre la physionomie d'un fardeau pour le président de la République. Personne ne peut imaginer un instant Eric Besson dans son vaste bureau du ministère de l'Immigration et de l'Identité nationale en train d'entonner, en grandes vocalises, «L'hymne à la joie», la neuvième symphonie de Beethoven. On le devine au contraire en train d'égrener les tristes et langoureuses syllabes de la chanson de Léo Ferré «Avec le temps…». Tant l'homme donne cette impression d'être sonné par la brusque tournure qu'a prise le débat sur l'identité nationale. Alors que quelques jours seulement, Eric Besson fanfaronnait sur les plateaux de télévisions avec des affirmations aussi viriles, aussi tranchées que les convictions passionnées des nouveaux convertis, qu'il s'était même offert le luxe de croiser le fer, en toute impunité, avec la nouvelle madone de l'extrême droite Marine Le Pen, le voilà depuis peu qui rase les murs de la République. L'homme affiche sur les images muettes une mine de torturé. Et pour cause, le combat de sa vie, sa principale rampe de lancement vers un destin politique qu'il espérait encore plus brillant, le débat sur l'identité nationale, fut stoppé net. Avec presque la même violence avec laquelle il avait déboulé comme sinon une arme de séduction massive à l'égard des Français avant cette échéance régionale, du moins un gigantesque tuyau d'enfumage politique en temps de crise. Il avait donc suffi d'un minuscule séminaire gouvernemental pour clore un débat qui tournait au délire national et crucifier sur une grande croix son icône principale : Eric Besson. La torture du ministre de l'Immigration et de l'Identité nationale vient du fait qu'à un moment précis, deux puissants faisceaux de haines se sont concentrés sur sa personne. Le premier porté par ses anciens amis de la gauche qui ne lui ont jamais pardonné sa trahison au profit de Nicolas Sarkozy. Le second nourri par des frondeurs de la majorité présidentielle qui n'ont jamais compris ni admis les vrais ressorts d'un tel choix stratégique. La violence de leurs critiques à l'encontre d'Eric Besson est proportionnelle à leur incapacité d'affronter et de s'opposer ouvertement à l'initiateur premier de ce débat, Nicolas Sarkozy. Au lieu de se cantonner dans son rôle d'attrape foudre qui protège la citadelle présidentielle, Eric Besson aurait pu souligner davantage qu'il n'était que le fidèle exécuteur d'une partition musicale écrite à l'Elysée et que ceux qui s'acharnent contre lui révèlent surtout un manque de courage politique. Il ne l'a pas fait. Stoïque, il accepte jusqu'au bout son destin de fusible d'un coup lancé pour ramasser la mise et qui menace le lanceur d'une faillite générale. Devant les difficultés que vit Eric Besson, qui en est même à démentir de devoir se convertir à l'Islam pour pouvoir épouser sa jeune campagne tunisienne, Nicolas Sarkozy ne rate aucune occasion pour lui montrer son soutien et sa solidarité. Mais malgré ces hommages volontairement appuyés pour le protéger, Eric Besson est en train de prendre la physionomie d'un fardeau pour le président de la République. S'en séparer vite, après les régionales, revient à se désavouer sur une séquence importante qui était destinée à configurer l'ensemble de son quinquennat.