Selon une explication, le nom d'Al-Hoceima dériverait du mot arabe « alkhouzama » signifiant lavande, plante odoriférante très abondante dans la région du Rif. D'autres attribuent l'origine du nom à celui de l'ancienne ville médiévale Al-Mazemma dont les ruines se trouvent près de la plage Souani aux environs d'Al-Hoceima. Juchée sur les hauteurs d'une falaise, Al Hoceima est un promontoire naturel qui permet une vue panoramique sur la Méditerranée. Surtout le soir, avant le coucher du soleil quand on regarde en contrebas la petite baie, la plage Quemado, le port de pêche à côté et le mouvement des chalutiers et barques de pêcheurs sur la surface marine à perte de vue. La contemplation du paysage marin est l'une des attractions favorites du visiteur d'Al-Hoceima et sa région avec de nombreuses criques, baies, rades, calanques en allant de la plage Quemado à Calla Iris en passant par Tala Youssef, Cala Bonita, Souani, Sfiha, etc. Cela prête à rêverie devant une Méditerranée majestueuse mère de civilisations et de mythes. Là passaient vaisseaux de Phéniciens, Carthaginois, Grecs, Romains avant les intenses échanges avec l'Andalousie musulmane pendant plusieurs siècles. Là veillaient les corsaires. Méditerranée source de richesses, de joies mais aussi de tragédies contemporaines avec la traversée des pateras des rêveurs d'Eldorado qui n'en démordent pas malgré la crise économique qui frappe le vieux continent et la migration en sens inverse. Bien de ces rêveurs des Marocains aussi bien que des ressortissants d'autres pays dorment d'un sommeil éternel dans des « cimetières marins » sur l'autre rive. Aujourd'hui, une belle corniche récemment créée à flanc de montagne, longue de près de deux kms, offre une vue panoramique imprenable de la mer aux promeneurs et amateurs de jogging. Le nom d'Al-Hoceima évoque souvent une blessure profonde en rapport avec le tragique tremblement de terre de février 2004 qui avait fait des centaines de morts et des milliers de sans abri dans la ville et sa région. Depuis ce temps, on peut dire qu'il y a un avant et un après le séisme, puisque de réels signes de développement économique et social se sont fait jour comme pour rattraper le temps perdu. Un dictame s'il en est sur la blessure douloureuse relativement récente par rapport à d'autres relevant des « années de plomb ». Le traumatisme demeure, bien que mis en sourdine. Le tremblement de terre de 2004 aura été déclencheur d'un processus de développement à un rythme accéléré suite à la volonté royale. La ville s'est agrandie et des petites villes sont écloses dans sa périphérie : Béni Bouayach, Ajdir, Boukidarn et Imzouren notamment. Un développement effréné qui ne va pas sans péril pour l'environnement. La ville d'Al-Hoceima et sa région font partie des 44% des villes de la rive Sud de la Méditerranée qui ne disposent pas de stations de traitement des eaux usées contre seulement 11% de la rive Nord sachant que 80% de la pollution de la Méditerranée provient de la terre ferme. Le vrai développement durable dépend de l'investissement dans le traitement des eaux usées. Située au Nord du Maroc sur le littoral méditerranéen, dans la région orientale du Rif, fief des tribus Beni Ouariaghel, farouches résistants, des Bokkoya, navigateurs émérites et de la langue tarifit, seule langue perceptible dans le quotidien, la ville d'Al-Hoceima est difficile d'accès. Non pas qu'il n'y ait pas de route, mais il faut du temps pour y arriver quand on vient du « dakhil », comme disent les gens du « chamal » à propos la région du centre du Maroc. Il faut au moins une dizaine d'heures quand on emprunte le train de Casablanca vers Nador avec une escale à Taourirt. Autrement, il faudrait dix heures de route à bord d'autocars qui utilisent les routes nationales. Une fois à Nador, il faut encore deux heures par grand taxi pour atteindre enfin la ville. En gros, les transports publics, pour atteindre la ville à partir de Nador, se limitent aux grands taxis Mercedès 240 ou 250 à 6 places, en plus du chauffeur. Deux heures de route non-stop pour 6 personnes parquées « comme des sardines », le supplice est garanti. Et on a droit parfois à un véritable rallye avec excès de vitesse dans forces virages. Par bonheur, la route est bonne et un défilé de beaux paysages peut constituer une consolation pour ces désagréments. L'avion est une possibilité de voyage rapide en trois quart d'heures, soit le meilleur confort. Malheureusement, la ligne a été supprimée pour « une question de rentabilité », confie une femme hoceimie, cadre travaillant à Casablanca. « Dans le passé, il y avait jusqu'à 8 vols par semaine Casa-Hoceima ». Reste toutefois la possibilité de la ligne Casa-Nador en une heure dix minutes. Beaucoup de Hoceimis expriment leur déception du fait que la route express à double voie, Taza-Hoceima, en cours de construction, ne puisse pas voir le jour dans les délais. « Sa réalisation était prévue pour 2015, mais elle ne sera achevée qu'en 2017 », dit-on. Pourtant, c'est le meilleur raccourci pour aller vers Al-Hoceima en venant de Casablanca et en passant par Fès et Taza. Nombre de Hoceimis hésitent à revenir s'établir dans leur ville pour plusieurs raisons, notamment l'éloignement au point de donner l'impression de citée enclavée sans parler de l'absence d'infrastructures universitaires, etc. La ville d'Al-Hoceima fut toujours une ville balnéaire qui ne s'anime que le temps d'un mois d'été. Une bonne partie de ses visiteurs pendant la saison estivale sont des MRE originaires de la région qui y ont construit des maisons ou y possèdent un appartement. On observe que des maisons et des appartements restent fermés pendant des mois en attendant la saison estivale, ce qui n'est pas une spécificité exclusive de la cité. Pourtant, Al-Hoceima aurait perdu de son aura d'antan de ville balnéaire. Il fut un temps où elle était plus réputée avec un Club Med et des campings. On évoque ce passé avec une pointe de nostalgie pour une prospérité révolue surtout qu'il y avait des usines de conservation de poissons qui faisaient travailler une importante main-d'œuvre locale. « Aujourd'hui, le meilleur de la richesse halieutique va ailleurs (à l'étranger) pour être transformé, pourtant ça devrait être transformé au Maroc pour créer de l'emploi et garder la valeur ajoutée, les pêcheurs paupérisés attendent, eux, des aides comme une indemnisation sur le repos biologique », observe El Houssain El Haddouti, président de l'Association professionnelle de pêche artisanale à Al-Hoceima. La pêche a toujours été et reste encore une activité prépondérante dans la ville. Dans les restaurants populaires en ville et souks hebdomadaires des environs, on mange les sardines locales grillées appétissantes accompagnées de bissara à l'huile d'olive. Néanmoins, rien n'a changé apparemment au niveau des atouts naturels de la ville qui lui valent aujourd'hui d'être inscrite sur la liste du Club des plus belles baies du monde (Lire entretien avec Hakim Messaoudi ci-contre). Le Maroc, parmi 38 pays dans le monde, est doté désormais de deux baies inscrites sur cette liste avec la baie d'Agadir. Encore faut-il préserver l'environnement contre les dangers de pollution qui guettent. En perspective, bien du pain sur la planche. La ville d'Al-Hoceima est de création récente. Elle a été fondée dans les années 1920 sous protectorat espagnol après la guerre du Rif et la grande épopée d'Abdelkrim Khattabi. Les traces d'Histoire urbaine qu'on peut y découvrir aujourd'hui sont perçues à travers l'architecture espagnole, du moins ce qui en reste comme les bâtiments de la place du Rif créée en 1928, dite aussi communément Florido du nom de l'hôtel qui fait partie des bâtiments historiques de la place, beau monument de forme cylindrique. Au rez-de-chaussée, un café où l'on suit des matchs de foot. L'équipe de la ville Chabab Al-Hoceima vient d'être battue par la Widad de Casablanca. Al-Hoceima porte l'empreinte de l'architecte Emilio Blanco Izaga, militaire architecte atypique d'origine basque, admirateur du peintre orientaliste Mariano Bertuchi et inventeur de ce qu'on appellera le style architectural colonial rifain. La place du Rif constituait le centre de la ville et jouait le rôle de gare routière avant l'aménagement de la gare actuelle au Sud de la ville. Située dans une espèce de cuvette surplombée par la colline, la nouvelle gare rassemble surtout une multitude de taxis Mercedès couleur bleue. De même couleur, les petits taxis d'Al-Hoceima sont surtout de marque Peugeot 205 généralement bien entretenus qui escaladent les rues en pente avec une étonnante aisance. L'une des caractéristiques d'Al-Hoceima, c'est un certain anachronisme incarné dans ces îlots occupés jusqu'à aujourd'hui par l'Etat espagnol comme l'île Nekor (Hajar Nekor) qu'on voit en abordant la ville par l'Est et qui se trouve en face de la plage Sfiha. C'est le cas aussi de l'île de Bades dite Penon de Velez de la Gomera. On a l'habitude de plaisanter ironiquement en parlant de « msmar Jha » des Ibériques. Beaucoup perçoivent le drapeau espagnol sur ces îles comme une offense. Si la ville d'Al-Hoceima ne date que depuis 1925 lors du débarquement des Espagnols, l'espace où elle se trouve porte l'empreinte d'une Histoire millénaire (Lire entretien avec Leila Maziane, historienne). Un passé prestigieux « occulté » selon les Hoceimis parce qu'on ne l'enseigne pas dans les manuels scolaires aux écoliers marocains pour connaître la « vraie » Histoire. C'est le cas du premier émirat islamique au Maroc dès avant la fin du premier siècle de l'Hégire, donc avant l'avènement des Idrissides. Il s'agit de l'émirat des Banou Saleh, des amazighes d'origine Nefzawa, venus de l'Ifriquiä qui fondèrent la ville Nekor dont les vestiges sont ensevelis aujourd'hui en partie sous le barrage Abdelkrim Khattabi et une autre partie sur la colline portant en souvenir de ce passé urbain le toponyme Tameddint à 20 kms d'Al-Hoceima. Autre cité disparue, Al-Mazemma qui fut un port et grand centre pour les échanges commerciaux entre les deux rives de la Méditerranée. Non loin sur la côté Ouest la ville médiévale Bades qui fut considérée comme « le port de Fès » (Léon L'africain). L'idée de promouvoir des projets d'aménagement, de sauvegarde de ces sites, fait son chemin dans le cadre d'un développement durable à travers le patrimoine naturel, culturel, archéologique et historique. L'idée soulevée par des acteurs de la société civile a fait récemment débat dans la province d'Al-Hoceima. Mohamed Al-Jattari, spécialiste en restauration de monuments historiques et acteur associatif, a fait partie d'une mission constituée d'archéologues, chercheurs et techniciens en restauration mandatée par la Direction du Patrimoine en juillet 2014. Le travail de cette mission a abouti à un descriptif préliminaire, un état des lieux dans la perspective d'un plan d'aménagement de ces sites. « Le plus urgent, c'est le classement avec désignation de zones non aedificandi pour que les sites soient protégés, or, jusqu'à présent, aucun site n'est encore classé dans toute cette zone malgré leur importance considérable », note avec regret Mohamed Al-Jattari. Le Parc national d'Al-Hoceima (PNAH) justement, regorge de ces sites à côté d'un riche patrimoine naturel avec des villages comportant des monuments historiques remontant à l'époque mérinide comme Adouz, d'autres ensevelis, des kasbahs de l'époque saâdienne comme Snada, Torres Al Kalaa, des mausolées nombreux qui témoignent de passage de savants et de résistants contre l'envahisseur à partir du littoral proche. Des activités d'artisanat local, surtout des articles à base de plantes alfa, palmiers nains et la poterie féminine spécifique. Anouar Akkouh, jeune entrepreneur et militant associatif au sein du réseau Rodpal, après avoir travaillé à l'étranger, a préféré s'établir à Al-Hoceima, sa ville natale, pour lancer des projets d'écotourisme et tourisme rural au sein du Parc national. « Le Parc national d'Al-Hoceima rassemble une richesse naturelle mais aussi archéologique et historique et un patrimoine immatériel inestimable, d'où le fait que la conservation, la protection, la sensibilisation sont des maîtres mots pour un développement durable du Parc au profit des habitants », note Anouar Akkouh. L'idée pour Anouar est bien simple : éviter surtout de ramener des projets clefs en main pour le seul motif qu'ils auraient « réussi ailleurs » et plutôt travailler en totale concertation avec la population locale pour créer de la richesse en ménageant les ressources naturelles.