Considéré comme le parent pauvre du sport, l'escrime souffre d'une quasi-absence de médiatisation. Le Soir échos a fait le déplacement chez des responsables de la Fédération royale marocaine d'escrime. Ces derniers se battent pour élargir la pratique de ce sport peu connu. «Enfin un journaliste qui nous appelle ! ». C'est en ces termes que Bouchto Zouhair, vice-président de la FRME, nous exprime son soulagement. Il saisit l'occasion pour exprimer son mécontentement vis-à-vis de la presse sportive marocaine, qui ne s'intéresse pas à l'escrime ou si peu. La réputation de ce sport, dont la pratique serait réservée exclusivement à une catégorie sociale plutôt aisée, serait derrière ce manque d'intérêt. «Ce qui est archifaux», rétorque Mustapha Hattab, un autre vice-président de la FRME. D'ailleurs, de plus en plus d'enfants s'y intéressent. «On doit comprendre qu'il est accessible à tous. Lors de la dernière inauguration du foyer des jeunes à Ben-Msik, nous avons pu voir des salles d'escrime où jouaient des enfants pas forcement riches», nous rappelle Mustapha. L'escrime, pour l'aimer, il faut le comprendre, et «cette tâche est notre devoir, ainsi que celle des journalistes», clarifie le vice-président. Dispositif électrique Etant un sport de combat, l'ultime but de l'escrime est de toucher son adversaire avec la pointe ou le tranchant de l'une des trois armes, à savoir : l'épée, le sabre, le fleuret, sans pour autant être touché. Pour gagner, il faut toucher l'adversaire 15 fois, validées par une lampe qui s'allume à chaque effleurement, ou rester en tête durant les neuf premières minutes du duel. « Chacune des trois armes est utilisée différemment des autres, selon les circonstances du jeu et la catégorie des joueurs », nous apprend Mustapha. La piste, mesurant 14 mètres de long sur 1,5 à 2 mètres de large, comprend des zones limitant les mouvements des escrimeurs. « Un dispositif électrique assure automatiquement le décompte des points », enchaîne Hattab. Mais le combat est régi et arbitré pour éviter tout accident. « Les escrimeurs portent des protections de la tête aux pieds. Les arbitres donnent, comme au football, un carton jaune pour avertir. Deux jaunes valent un rouge, et un rouge donne à l'adversaire un point de plus. Un carton noir est généralement donné en cas de faute grave. Le joueur est exclu et interdit de participer aux jeux pendant deux mois », poursuit le vice-président de la FRME. Résultats honorables en championnats « Le Maroc compte plus d'une vingtaine de clubs et d'associations d'escrime à Rabat, Essaouira, mais la grande majorité se concentre à Casablanca », précise Zouhair. Pour ce qui est de la formation publique à l'escrime, cela se déroulait dans la salle fédérale du Complexe Mohammed-V. Aujourd'hui, dans le cadre de la coopération avec le ministère de la Jeunesse, l'escrime est intégré dans le programme sport-études dans les universités. Concernant les compétitions et de les champions marocains d'escrime, le Maroc n'est pas si médiocre qu'on le croit. « Comme au football, nous avons des championnats : Coupe du Trône, compétitions nationales et internationales. À titre d'exemple, le dernier championnat national 2010-2011, c'est le club Al-Ouafae Al-Bidaoui qui l'avait remporté. Aussi, on avait participé au championnat africain en Egypte dernièrement, et nous étions parmi les cinq premiers », avance avec fierté Hattab. Parmi les escrimeurs marocains les plus connus, on peut citer Marouane Khalil (Al-Ouafae Al-Bidaoui), Rachid Meftouh (champion 2011 de l'Itihad Zerktouni), Xavier Ali qui joue à l'étranger, chez les femmes, il y a Hanane Attif (Club 2100), qui a décroché une médaille d'or récemment. « Heureusement que la FRME est là, car avant sa création, c'était la prévarication. Les neuf membres qu'elle rassemble veillent à la vulgarisation de ce sport ainsi qu'à son financement. Le ministère de la Jeunesse et des Sports s'est engagé en 2010 à nous accorder 800.000 dirhams par an. En 2011, cette somme a été réduite à 680.000 dirhams. On ne comprend pas pourquoi. Pour les sponsors, personne ne veut s'aventurer pour un sport méconnu», se désole Zouhair Bouchto. Autres problèmes, : le matériel est très coûteux, et nous n'avons pas de vrais entraîneurs professionnels. Ces derniers ont besoin d'un salaire d'au moins 2 000 euros pas mois », explique le vice-président. Si la France compte 50.000 escrimeurs et si la Tunisie et l'Egypte en ont quelque 6 000 chacune, on n'en dénombre que 780 au Maroc. « Je dis ‘‘non'' à la discrimination sportive. Nous voulons juste être estimés à notre juste valeur », martèle Hattab.