L'arroseur arrosé. Le dicton s'applique à merveille aux agriculteurs espagnols. Après avoir traîné la tomate marocaine, écoulée sur le marché européen, dans la boue, les voilà empêtrés dans une crise sans précédent. Les morts causées par la consommation de concombre provenant des exploitations espagnoles a provoqué un état d'alerte dans l'ensemble du marché communautaire. Même si, mardi, l'Allemagne a blanchi le concombre espagnol, les conséquences de cette macabre contamination ne font que commencer. Un dur coup pour les exportations espagnoles, au moment où ils tablaient sur une hausse de leurs exportations durant la campagne en cours. L'Allemagne est la première destination des exportations espagnoles pour une valeur de 870 millions d'euros. Elle n'y est pas allée de main morte dans cette affaire. La semaine dernière, les Allemands ont commencé à ébruiter l'information que les concombres provenant des fermes de Malaga et Almeria étaient contaminés par une bactérie. Le bilan est lourd. 14 personnes ont péri suite à la consommation de légumes crus à Hambourg. Dès lors a commencé le rappel des produits suspectés dont des tomates et des aubergines. Après que l'alerte se soit répandue, d'autres pays européens n'ont pas hésité à fermer leurs marchés aux produits espagnols. Le Danemark, l'Autriche, la République Tchèque, la Hongrie et la Belgique et la Russie ont refusé l'accès aux aliments provenant des terres espagnoles. De plus, la chaîne allemande de supermarchés discount, Lidl, a décidé mardi de suspendre la commercialisation des concombres sur l'ensemble du territoire allemand. Les agriculteurs espagnols n'ont rien pu faire devant cette escalade de pertes. Un premier bilan parle de 200 millions de manque à gagner par semaine. Les associations et organisations du secteur, comme à l'accoutumée, ont crié à l'injustice, réclamant au passage la tête des Germains. Mardi, ils ont annoncé la suppression de pas moins de 500 postes de travail comme effet de la crise du concombre. Pour rappel, le secteur offre de l'emploi à 300.000 personnes. Touchés au vif, les professionnels mettent la pression sur leur gouvernement pour trouver des solutions dans les prochains jours. De plus, ils exigent des excuses du gouvernement allemand. Les agriculteurs sont convaincus que la terre espagnole produit «les meilleurs aliments au monde». De plus, personne de ce collectif ne remet en cause les contrôles de qualité en vigueur, définis comme difficiles à surpasser. Outre les excuses, les producteurs espagnols demandent des dédommagements à l'Allemagne pour l'affront infligé à l'Espagne comme premier pays exportateur mondial de concombres, disent-ils. Une requête que le gouvernement marocain aurait dû formuler aussi quand les Espagnols lynchaient la tomate marocaine, à tort, également. L'orgueil espagnol s'est vu égratigné, chose que peinent à supporter nos voisins. Depuis le déclenchement de la crise, les responsables posent devant les caméras croquant des concombres afin de rassurer les consommateurs. En rang serrés, les responsables et producteurs du secteur contre-attaquent. La ligne de défense repose sur l'accusation de l'Allemagne de «frivolité et d'irresponsabilité». Les risques alimentaires sont de niveau zéro, a déclaré le secrétaire d'Etat à l'Agriculture. Les réunions se succèdent entre professionnels et responsables du gouvernement pour sortir de cette crise, qui tombe mal pour le pays, déjà en proie à plusieurs maux sociaux et politiques. Les producteurs ont érigé l'affaire en une «cause nationale», demandant l'intervention de Zapatero. La ministre en charge du portefeuille de l'Agriculture, Rosa Aguilar, a proposé à l'UE de destiner des aides aux agriculteurs espagnols pour réparer le mal. L'Espagne se dit victime d'un jugement hâtif de la part de l'Allemagne et de certains pays européens. Le représentant de l'Espagne auprès de l'UE a accusé l'Allemagne de nuire à l'Espagne sans aucune preuve apparente. La crise a eu un effet domino sur l'ensemble des produits en provenance des exploitations espagnoles. Les prix des produits agricoles ont considérablement chuté et la campagne agricole espagnole en pâtit. La fédération des associations des producteurs-exportateurs de fruits et légumes a demandé à son gouvernement de gérer l'excédent ne pouvant plus être commercialisé. Proposant au passage que ces excédents ne soient pas détruits, mais destinés aux gens dans le besoin. Les chiffres parlent de 150.000 tonnes d'excédent par semaine. De surcroît, les agriculteurs revendiquent le lancement d'une campagne de promotion des légumes et fruits espagnols, pour redresser les torts causés par la crise du concombre.