«Il n'est pas possible d'appliquer, dans un texte juridique, l'égalité ou l'approche genre aux côtés de l'équité». Les propos de l'enseignante-chercheuse Farida Bennani lors d'une journée d'étude dédiée mercredi par les groupes du Parti authenticité et modernité au Parlement au Code de la famille, suscitent l'attention autour des écueils de cette loi. Pire encore ! «La plupart des dispositions du code du statut personnel de 1957, relatives à l'équité et la discrimination entre les deux sexes, persistent dans le code de la famille de 2002», martèle-t-elle lors de cet événement initié en partenariat avec le réseau Anaruz. Et ce n'est pas tout ! Elle avance un chiffre alarmant sur ces écueils. Une centaine de problématiques «Après un an d'application du code, les chercheurs ont détecté 150 problématiques qui en entravent la mise en œuvre effective», avance Mme Bennani. L'intervenante ne se contente pas, cependant, d'énumérer les problématiques. Elle propose plutôt des solutions. «Après 15 ans d'application, il est nécessaire, voire urgent de trancher entre les deux principes dans le même texte juridique. Ceux-ci étant l'équité et l'égalité. A elle seule, l'équité signifie, comme elle le rappelle, la justice entre la femme et l'homme en termes de partage de droits et d'obligations de manière équilibrée. Quant à l'égalité, elle n'accorde pas d'intérêt aux sexes», enchaîne-t-elle. Mieux encore, le passage de Mme Bennani était l'occasion d'aborder la convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Pas d'harmonisation avec la convention de la CEDAW «L'harmonisation avec cette convention n'a pas encore eu lieu», estime l'enseignante-chercheuse. Pour elle, cette harmonisation ne peut avoir lieu de par l'article 400. Celui-ci stipule que «pour tout ce qui n'a pas été expressément énoncé dans le présent Code, il y a lieu de se référer aux prescriptions du rite malékite et/ou aux conclusions de l'effort jurisprudentiel (Ijtihad), aux fins de donner leur expression concrète aux valeurs de justice, d'égalité et de coexistence harmonieuse dans la vie commune, que prône l'Islam». Cependant, la référence n'est pas, au sens de l'intervenante, «unifiée». Aussi, les écueils consistent, selon ses dires, en l'existence d'un déséquilibre entre le passé et le présent, le fiqh islamique et celui contemporain. «C'est l'une des entraves les plus importantes à l'égalité que le Code de la famille n'a pas ancrée», tranche-t-elle. Des propositions Cela étant, Mme Bennani propose «un changement radical du Code de la famille en se basant sur le principe de l'égalité et la référence de l'Ijtihad». A ses yeux, une telle démarche est de nature à réaliser d'autres acquis et de «s'approcher» de la convention CEDAW. De plus, l'événement a également été l'occasion pour le réseau Anaruz de présenter son mémorandum qui est, selon sa représentante, Zakia Baghdadi, «une revendication urgente». Elle abonde, à son tour, dans le sens du plaidoyer pour une réforme radicale du Code de la famille. «J'espère que nous aboutirons à une réforme unifiée», enchaîne-t-elle. De son côté, Houssein Raji, avocat et membre de ce réseau, qui estime que la réalité change, indique que ce besoin de réforme est destiné à «promouvoir la situation de la femme». Retour sur certains écueils M. Raji énumère un certain nombre d'écueils dans le Code de la famille. C'est le cas du terme «plaisir» (moutâa) qui est, selon ses dires, plus large sans abonder dans le sens du langage universel. Il évoque également l'article 16 du même texte qui prévoit la preuve du mariage. «Anaruz propose d'annuler l'alinéa 2 de cet article», précise M. Raji. L'intervenant aborde de plus l'article 49 qui est à son sens «ambigu». Pour lui, la femme doit accéder à ses biens acquis lors de la durée du mariage. L'avocat suscite aussi l'intervention du parquet général pour fixer les charges de la famille. Dans ce sens, il ressort les articles relatifs à la pension censée être due à la femme que le mariage soit consommé ou non. «Il faut revoir la pension selon d'autres angles dont celui socio-économique», estime-t-il. En matière de divorce, il existe à ses yeux une discrimination entre les deux sexes quant à la fin de la relation conjugale. Dans ce sens, il avance le fait de permettre à l'homme de récupérer sa femme lors du délai de viduité selon l'article 124. «Ce n'est pas acceptable», commente-t-il en abondant, dans l'ensemble, dans le sens de l'adoption d'une référence pour le Code de la famille. «La révision doit être également faite à la lumière de la Constitution», indique, pour sa part, le président du groupe authenticité et modernité à la Chambre des représentants, Mohamed Chrourou. L'objectif étant d'assurer une «protection juridique de la femme tout en adoptant un plan national dédié à l'égalité».