Hind Jalal, docteur en droit et économie du développement et chercheuse en genre et économie, s'est spécialisée dans l'analyse genre de la fiscalité. Elle révèle au Soir échos les conclusions de ses recherches, regroupées dans un ouvrage publié il y a quelques jours. Hind Jalal, docteur en droit et économie du développement et chercheuse en genre et économie, s'est spécialisée dans l'analyse genre de la fiscalité. Elle révèle au Soir échos les conclusions de ses recherches, regroupées dans un ouvrage publié il y a quelques jours. Quel est le lien entre la fiscalité et les questions liées au genre ? Les politiques publiques ne sont pas neutres par rapport au genre. Elles peuvent soit intégrer la dimension genre dans leur conception, planification, mise en œuvre et évaluation et prendre en compte ainsi les besoins et préoccupations différenciées des hommes et des femmes, soit ne pas être sensibles au genre et perpétuer les inégalités de genre qui peuvent exister. Parmi les problématiques soulevées par l'analyse genre de la fiscalité directe, on peut citer notamment, la question de la répartition de la charge fiscale entre les différents contribuables ; l'impact du système fiscal sur les différentes catégories de ménages (monoparental, multi-générations, avec un ou plusieurs pourvoyeurs de revenu, NDA), l'ignorance par le système fiscal du travail non rémunéré des femmes, ou encore la question de l'équité des réductions et exonérations fiscales (réductions pour charge de famille et personnes à charge, NDA). Comment se manifeste la discrimination dans la fiscalité ? Elle se manifeste soit de façon explicite, soit de façon implicite. A titre d'exemple, le Code général des Impôts (CGI) introduit un biais de genre explicite dans son article 74 en considérant l'épouse du contribuable comme étant à sa charge au même titre que ses enfants. L'analyse des dispositions de l'IR fait également ressortir des biais de genre implicites qui se manifestent notamment par les déductions pour frais professionnels. Certains contribuables bénéficient, en effet, d'abattement pour frais professionnels plus favorables. Compte tenu de la charge pesant sur les femmes en raison du travail non rémunéré et considérant leurs faibles opportunités d'accéder au marché du travail formel, il serait plus équitable d'envisager en leur faveur des abattements pour frais professionnels plus avantageux. Qu'en est-il de la discrimination par rapport à la situation familiale ? Cette discrimination se décline dans la définition restrictive des personnes à charge du contribuable qui est limitée à trois catégories de personnes : l'épouse, les enfants légitimes et les enfants légalement recueillis. Ce qui sous entend l'existence d'un lien de mariage, de filiation et d'adoption légale. Par conséquent, sont exclues de cette définition toutes les autres personnes qui peuvent réellement être à la charge du contribuable (qu'il soit célibataire ou autre, NDA) telles les ascendants et collatéraux. Vous espérez l'égalité économique avec la réforme de la Constitution, comment pourrait-elle se manifester ? La Constitution marocaine passe sous silence deux questions importantes à savoir, la place des traités internationaux ratifiés dans la hiérarchie de la norme juridique interne et la question de l'égalité entre les sexes. La référence est faite à l'égalité de tous les citoyens devant la loi sans plus de précision. La Constitution ne fait aucune référence à l'égalité entre les sexes en matière économique et juridique. Seule l'égalité en droits politiques est prévue par l'article 8. J'espère que la réforme en cours pourra corriger cette injustice et introduire l'égalité entre les sexes dans tous les domaines. J'espère aussi l'introduction de la notion d'égalité substantive en plus de l'égalité formelle. L'égalité formelle interdit l'utilisation de distinctions entre les sexes dans les lois et les politiques. Or, selon le modèle de l'égalité substantive, les lois et les politiques qui traitent formellement les deux sexes de façon identique, sont considérées discriminatoires si elles produisent un impact négatif sur les femmes. Pour atteindre l'égalité substantive entre les sexes, il faudrait donner à la femme un «départ égal» et lui procurer un environnement «favorable» et recourir pour cela à des mesures positives temporaires. Propos recueillis par : Selma T. Bennani