Depuis bien des années, les associations féministes au Maroc luttent contre les violences faites à l'égard des femmes et œuvrent pour le renforcement des droits de la femme marocaine. Certes, de grands efforts ont été déployés en matière des droits des femmes au Maroc durant la dernière décennie. Toutefois, il n'en demeure pas moins qu'une certaine lenteur est observée dans la mise en application des réformes et des dispositifs juridiques. Le déphasage entre les lois nationales et les conventions internationales que le pays a ratifiées est au cœur des préoccupations des associations féministes. En effet, elles réclament l'harmonisation de la législation interne avec les textes internationaux. En matière de violences à l'égard des femmes, les chiffres sont alarmants, avec une nette prédominance de la violence conjugale, soit 80% de femmes marocaines qui en sont victimes, selon les associations féministes. Dans la même optique, dans son rapport de 2011, le Haut Commissariat au Plan, renseigne que 62,8% de femmes ont été victimes de violences 2010. Face à cette recrudescence des violences dans toutes leurs formes et l'absence de cadre juridique relatif à la lutte contre les violences que subissent les femmes, Bassima Hakkaoui, ministre de la Solidarité, de la femme, de la famille et du développement social, a lancé une campagne nationale pour stopper la violence à l'encontre des femmes salariées. Cette initiative vient après l'abrogation du projet de loi 103.13, qu'elle avait présenté devant le Conseil du gouvernement le 07 novembre dernier. Si l'abrogation du projet de loi 103.13 est considérée comme une victoire des associations féministes, suite à leur appel de reporter son adoption, il n'en reste pas moins que cet acte retarde la mise en place du dispositif juridique tant souhaité qui aurait garanti la protection des victimes de violences et soulager les souffrances de celles-ci. Dans une interview à Al Bayane, Fouzia Assouli, présidente de la Fédération de la ligue démocratique des droits des femmes, déclarait que «le référentiel de ce projet, qui normalement devrait être un préambule, n'a été qu'une lettre à part. Il n'engage personne, alors que ce référentiel si important concerne la constitutionnalisation de l'égalité et la prohibition de la violence, de la discrimination, les mécanismes de l'autorité et de la parité, de lutte contre toutes les formes de violences à l'encontre des femmes, de même que les engagements du Maroc au niveau international, les conventions et traités, surtout que le Maroc a levé les réserves sur la convention CEDAW». En effet, le Maroc avait ratifié la convention internationale de lutte contre la discrimination (CEDAW) en 1993 avec des réserves sur certains articles, avant de les lever complètement, lors du 60e anniversaire de la déclaration universelle des droits de l'Homme. Ce référentiel qui pouvait encadrer le législateur au moment de la confesction du projet de loi 103.13 n'a pas été du tout pris en considération. A cela s'ajoutent les amendements du code pénal. Le projet de loi garde la philosophie et la structure du code pénal qui est totalement dépassé et en déphasage par rapport à la nouvelle constitution, selon Fouzia Assouli. L'harmonisation du code pénal avec la nouvelle constitution dont le Maroc s'est dotée depuis 2011 met en exergue la nécessité de reformer en profondeur le système judiciaire afin de garantir pleinement le droit des femmes. Mais le problème auquel le Maroc est confronté dans cette perspective, c'est d'avoir un système juridique caractérisé par un pluralisme législatif où la loi islamique cohabite avec la législation moderne. En effet, le Maroc a ratifié des conventions au niveau international et a affiché une volonté politique en souscrivant aux principes des droits de l'Homme, notamment ceux des femmes. De même, il s'attache au référentiel islamique et au droit musulman. La volonté de respecter ses engagements au niveau international, et le souci de rester fidele au droit musulman caractérisent le système judiciaire marocain. La question féminine n'échappe pas à cet état de fait. La double influence qui parfois s'oppose dans la même constitution témoigne du conflit qui freine l'accélération des réformes, lesquelles visent à renforcer le pouvoir juridique et politique de la femme marocaine.