«Cette jeune fille a été violée à deux reprises, la première fois par cet homme et la deuxième fois parce qu'elle a été mariée à son violeur». Le suicide de la jeune Amina Filali a suscité un débat national d'une ampleur sans précédent sur le viol et le mariage des mineurs. Le décès de la jeune adolescente âgée de seulement 16 ans et qui avait été forcée d'épouser son violeur, a provoqué un profond émoi dans le pays et à l'étranger. Associations féministes, médias, politique, et citoyens sont encore sous le choc après ce drame. Plusieurs associations féminines ont organisé, samedi, un sit-in devant le Parlement pour réclamer la réforme d'une loi discriminatoire envers les femmes. Quelque deux cents femmes présentes ont demandé l'abrogation de l'article 475 du Code pénal qui bénéficie davantage au violeur qu'à sa victime. En effet, cette loi punit le violeur si la victime est mineure, sauf en cas de mariage. Lorsque le mariage est consenti par les parents de la fille violée, l'agresseur n'est plus poursuivi par la justice. Deux jours plutôt, suite à l'appel de la Fédération de la ligue démocratique des droits des femmes, plusieurs ONG avaient manifesté, à Larache, pour exiger l'abrogation de la loi sur le viol. Pour ces féministes, cette injustice doit cesser. Pour éviter que le drame de la jeune Amina ne se répète, la FLDDF a adressé une lettre au chef de gouvernement, Abdelilah Benkirane. La Fédération présidée par Fouzia Assouli appelle à la mise en place, d'urgence, d'une loi-cadre contre la violence à l'égard des femmes. «La Fédération de la ligue démocratique des droits des Femmes, tout en condamnant cette grave atteinte à la dignité de cette enfant qui a conduit à sa mort, vous appelle à tirer les leçons de cet incident, à prendre d'urgence toutes les mesures administratives, judiciaires et politiques nécessaires pour éviter que cela ne se reproduise, à élaborer une loi-cadre de lutte contre la violence à l'égard des femmes, à modifier le Code pénal qui est fondé sur une philosophie et une culture masculine qui protège la société, la famille et la morale au détriment des femmes», lit-on dans la lettre. La Fédération estime qu'il est du devoir du gouvernement de garantir aux femmes la jouissance pleine et entière de leurs droits humains tels qu'ils sont prescrits dans la Constitution et dans les conventions internationales ratifiées par le Maroc. Ce drame a suscité de vives réactions au sein du gouvernement. Le ministère de la justice a estimé, vendredi, que les procédures légales applicables dans le cadre de cette affaire ont été respectées. «Le Parquet s'est retenu d'engager des poursuites en prenant en compte l'intérêt de la mineure et pour donner suite à sa demande et celles de son père et de l'homme qui l'a épousée, conformément à la loi», indique un communiqué du ministère. Pour sa part, la ministre de la solidarité, de la femme, de la famille et du développement social, Bassima Hakkaoui a reconnu que cette loi, qui incrimine les victimes de viol, est un véritable problème et a promis de provoquer un débat national pour la réformer. De son côté, Mustapha El Khalfi, ministre de la communication et porte-parole du gouvernement, a estimé que «cette jeune fille a été violée à deux reprises, la première fois par cet homme et la deuxième fois parce qu'elle a été mariée à son violeur». Rappelons que Amina Filali s'est suicidée le samedi 10 mars en absorbant de la Mort-aux-rats. L'époux de l'adolescente qui avait été entendu par la police est en liberté. Une enquête sous la supervision du Parquet général est en cours pour élucider les causes et les circonstances du suicide de la jeune fille.