A quelques semaines du premier anniversaire du suicide d'Amina Filali, devenue symbole de la lutte contre le mariage des mineurs, la situation ne semble pas évoluer. La société civile s'active depuis près d'un an pour cette cause, mais la législation ne suit pas, ou du moins elle tarde à se concrétiser. Mardi se clôturait la session parlementaire d'automne. La discussion et le vote par la chambre des représentants de l'amendement de l'article 475, initialement prévus mardi en séance plénière, ont été reportés à la session printanière. La chambre des représentants a pourtant adopté une proposition du groupe socialiste liée aux articles 494, 495, et 496 du code pénal. Un report voulu ? Initialement au programme de la session de vote à la chambre des représentants mardi, le projet d'amendement de l'article 475 n'a finalement pas été discuté. Le report aurait été décidé par le bureau de la commission quelques heures avant la séance plénière. Deux raisons sont invoquées : une pression des associations féministes et une demande interne de la part des groupes parlementaires qui estiment ne pas avoir eu assez de temps pour prendre connaissance du projet. « Les députés n'ont reçu le projet de loi amendé par la Chambre des conseillers que lundi et n'ont donc pas eu le temps de l'étudier », explique Aicha Lakhmass, député au sein du groupe socialiste à la première chambre. Ghizlane Benachir présidente de « Jossour Forum des femmes marocaines » indique quant à elle qu'un nombre d'associations féministes a « rencontré les femmes parlementaires afin de demander qu'il y ait un report de la discussion ». Cette demande de report est liée aux articles 20 et 21 du code de la famille. La remise en question de l'âge légal minimum du mariage par un amendement du Ministère de la Justice suggérait l'abaissement de cet âge à 16 ans. Or, l'article 475 n'est pas concerné ni par cet amendement ni par la demande de report des féministes. « Notre demande concernait la modification de l'âge minimum de mariage avec la mise en place d'un seuil de 16 ans sur accord du juge », explique Ghizlane Benachir. 486, 494 et les autres La Chambre des représentants a adopté, mardi, lors d'une séance plénière, une proposition de loi du groupe socialiste visant l'abrogation des articles 494,495 et 496 du code pénal, jugés « humiliants pour la femme en général et la femme mariée en particulier ». Ces articles sont relatifs aux peines encourues en cas d'enlèvement ou de détournement d'une femme mariée. L'article 494 stipule que la peine d'emprisonnement est « d'un à cinq ans et d'une amende de 200 à 1 000 dirhams » pour quiconque, par la fraude, la violence ou la menace, enlève une femme mariée, la détourne, la déplace ou la fait détourner ou déplacer des lieux où elle était placée « sous l'autorité ou la direction desquels elle était soumise ou confiée ». L'amendement concerne la suppression, dans ces articles, de la terminologie nuisible aux droits des femmes, c'est-à-dire la référence à une « autorité » ou une « direction » auxquelles la femme mariée est « soumise ou confiée ». Aicha Lakhmass du groupe socialiste a déclaré lors de la séance plénière que la femme, mariée ou non, si elle est majeure, ne devrait pas être traitée comme une mineure soumise à l'autorité d'un tuteur légal. Cette proposition de loi émanant du groupe socialiste incluait également la modification de l'article 486 définissant le viol comme étant « l'acte par lequel un homme a des relations sexuelles avec une femme contre son gré. Il est puni de la réclusion de cinq à dix ans ». Le groupe socialiste avait suggéré d'inclure dans cette définition « tout homme majeur ayant eu une relation sexuelle avec une fille mineure, même consentante » en le punissant de la même peine que celle de tout autre violeur. Cette proposition faite en avril 2012 par le groupe socialiste était justifiée alors par « la volonté de renforcer la protection juridique des mineures » mais a été retirée par le groupe lui-même. Une refonte totale Au-delà du traitement des articles du code pénal et du code de la famille, les féministes militent pour une réflexion globale sur toutes les lois discriminatoires et non pas « un traitement au cas par cas », estime Ghizlane Benachir. « Amender l'article 475 et abroger les articles 20 et 21 du code pénal seraient un bon début, mais ce n'est pas assez. Il faut une refonte de toutes les lois discriminatoires. Nous voulons une harmonisation entre le code de la famille, le code pénal, les constituions, les conventions ratifiées par le Maroc », insiste Fouzia Assouli,présidente de la fédération de la Ligue démocratique des droits des femmes et coordinatrice nationale du réseau femmes solidaires .