Le non-règlement de la délimitation des frontières maritimes atlantiques entre le Maroc et l'Espagne offre l'occasion pour les forces indépendantistes aux Iles Canaries de réclamer la rupture définitive du cordon ombilicale avec Madrid. Une revendication qui remonte aux années Franco. Après les autonomistes de droite du parti Coalition Canarias, c'est au tour des indépendantistes de monter au créneau pour tirer à boulets rouges et sur le Maroc et l'Espagne, qualifiés de «puissances coloniales». Ahora Canarias, une coalition créée le 8 février 2019 et composée de trois petites formations de gauche et d'une association politique, s'est engouffrée dans la brèche pour condamner l'adoption le 16 décembre par la Commission des Affaires étrangères à la Chambre des représentants de deux projets de loi établissant la souveraineté marocaine sur les eaux du Sahara occidental. Madrid est également dans le viseur de l'AC en raison de son silence officiel. «La fameuse invasion marocaine, si souvent annoncée et brandie comme un épouvantail contre les indépendantistes, s'est produite sans que l'Etat espagnol accepte de nous en protéger», indique AC dans un communiqué publié mardi 24 décembre. La décision marocaine divise la classe politique locale Prenant ses distances avec les appels modérés de Coalition Canarias destinés au gouvernement de Pedro Sanchez, les indépendantistes affirment «la protection» de l'archipel «et la délimitation» de ses frontières maritimes passent nécessairement par «la déclaration de la pleine souveraineté et l'indépendance» des Iles. «Il est évident que c'est dans le cadre de l'indépendance que l'archipel pourrait parler de frontières maritimes canariennes et de la création d'une zone économique inclusive pour protéger et gérer les ressources d'une mer qui, pourrait être baptisée, Mer des Canaries.» Ahora Canarias La formation souverainiste affirme que le territoire est le grand perdant des projets «expansionnistes» menés par le Maroc et l'Espagne. Et de rappeler que les deux pays avaient fait la sourde oreille aux nombreuses mises en garde des autorités de Tenerife contre le lancement de prospections pétrolières offshore. En 2013, Madrid avait en effet autorisé Repsol à mener des forages dans les eaux de l'archipel. En 2018, c'était au tour de Rabat de donner son feu vert à la société italienne ENI dans ses eaux territoriales situées entre Tan-Tan et Sidi Ifni, juste en face des Iles. Longtemps ignorée des agendas des rencontres officielles entre les représentants des deux pays, le sujet de la délimitation des frontières maritimes atlantiques avait été examinée pour la première fois à l'occasion de la 7e réunion de haut niveau Maroc-Espagne, organisée le 29 septembre 2005 à Séville et présidée par Driss Jettou et José Zapatero. Toutefois et en l'absence de consensus, Madrid avait sollicité, le 11 mai 2009, une intervention de l'ONU. Et il en est de même pour le Maroc en 2015. Le non-règlement du problème déchaine les passions, notamment chez le voisin ibérique. La réaction de «Ahora Canarias» n'est qu'un avant-goût de ce qui pourrait advenir de la polémique si les grands partis s'en mêlent, notamment ceux de droite et d'extrême droite.