L'immense diffusion du cinéma et son succès, à travers les salles, la télévision, les portables, les tablettes et les DVD, sont dus pour une large part aux progrès de l'industrie cinématographique. D'abord, il y a eu des inventions scientifiques capitales, et un progrès incessamment renouvelé les a mises au point, les a fait sortir du laboratoire, et répandues dans le public. C'est grâce à lui, nous avons le cinéma d'aujourd'hui et il nous réserve encore d'autres surprises pour demain. C'est la photographie qui est à la base du cinéma. Elle lui est indispensable même lorsqu'il s'agit de personnages dessinés, alors qu'on a eu du cinéma bien avant de lui avoir incorporé le son: l'art muet. Maintenant que la parole et la musique sont unies à l'image, le cinéma reste avant tout un art purement visuel. Mais, la photographie n'est pas le cinéma: ils diffèrent l'un de l'autre par le mouvement. Il restait à animer les vues obtenues pour avoir la vie. C'est à cela que conduisirent les recherches de Etienne-Jules Marey, illustre physiologiste du 19ème siècle, professeur à la Sorbonne. Avec son chef de travaux Jacques Démeny, il chercha à analyser le mouvement animal et humain et arriva à l'invention du Chrono-photographe. Cet appareil avait, avant tout, un rôle d'arrêt, d'étude. Le mouvement était stoppé dans sa course, fixé et analysé. Cette invention fut reprise par les frères Lumière, inlassables chercheurs, qui redonnèrent le mouvement à ce que la photo conservait inanimé, figé dans des attitudes définitives. C'était le cinéma. Le cinéma est ainsi la machine à refaire la vie. En effet, cet étrange appareil, alliant photographie et mouvement, enregistre les scènes qu'on lui présente et les reproduit sur demande, après coup: des faits sont recréés sur l'écran, comme aux actualités. Des acteurs jouent encore quand ils ont quitté le studio. D'autres viennent après leur mort, jouer pour nous comme ils l'ont fait de leur vivant. Machine miraculeuse qui ressuscite notre ombre et qui la fait parler. Mais la vie qu'elle recrée est plus souple que la réalité. Elle n'est plus à un sens unique comme dans la vie réelle. On peut supprimer les vides qui existent entre les prises de vue, rendre continu ce qui ne l'était pas. Au théâtre, le temps représenté sur la scène est le temps réel. Ce n'est que d'un acte à l'autre qu'il est permis de sauter des heures, des jours ou des années. Mais, à l'intérieur de l'acte, la pendue compte un temps qui est le même dans la salle et sur les planches. Cependant, le temps est plus malléable à l'écran. Il est allongé ou raccourci. Une minute peut durer des mètres. Toute une époque peut être ramenée aux dimensions d'un film de longueur normale. On peut donc parler du réalisme au cinéma qui rend la vie dans ses plus petits détails. Mais le réalisme est un art qui interprète la réalité, jongle avec elle, la condense et nous la rend plus expressive. Le cinéma peut encore, par le mouvement, dramatiser ce qui était atone et lui donner un rythme. On introduit l'art dans le fait quotidien pour lui donner une expression intense. Ce n'est plus la banalité de l'existence que l'on reproduit. Le cinéaste la modèle comme le sculpteur idéalise le corps humain. C'est une vie que l'illusionniste arrange comme un rêve. L'œuvre d'art, originale et puissante, est capable de parvenir aux sommets atteints par les autres genres tels que la littérature, la peinture et la musique.