Le cinéma naît à la fin du dix-neuvième siècle. Dans de nombreux articles et livres, on peut lire encore aujourd'hui, et plus spécialement en France, que « les inventeurs du cinéma sont les frères Lumière ». En fait, ils ont mis au point et fait construire une machine permettant d'enregistrer et de projeter des vues photographiques en mouvement, qu'ils ont baptisée le Cinématographe. Mais à l'époque, la presse, invitée aux premières projections Lumière, parle, non pas du Cinématographe, mais du « Kinétoscope (ou du Kinétographe) des frères Lumière ». Le 22 mars 1895, quand Louis Lumière présente son invention aux savants de la Société d'encouragement, il la leur nomme « Kinetoscope de projection ». Les appareils de prise de vues et de visionnement inventés par Thomas Edison et son principal collaborateur, William Kennedy Laurie Dickson, sont cités en références, ils préexistent au Cinématographe des frères Lumière, qui apparaît comme un redoutable concurrent. En français, l'apocope de la marque déposée Cinématographe, le cinéma, va s'imposer dans le langage courant en quelques années. Mais dans les autres pays, ce sont les "movies pictures", les movies, et aussi le kino. L'Encyclopédie Larousse affirme : « Ce retentissement mondial conduira de nombreux historiens à considérer le 28 décembre 1895 comme la date de naissance du cinéma ». Elle évoque la projection que les frères Lumière organisèrent à Paris, pour le grand public, dans le Salon indien du Grand Café, au no 14 du boulevard des Capucines, mais ce n'était pas la première fois que des « vues photographiques animées », ainsi que Louis Lumière appelait ses films, étaient montrées en public. Certes, le succès des projections du Grand Café donne un nouveau départ à l'exploitation des films, telle qu'Edison la pratiquait encore en 1895, explique avec humour Édouard Waintrop, critique de cinéma et délégué général de la Quinzaine des réalisateurs au Festival de Cannes, « Alors que monsieur Edison a mis au point une petite boîte avec un éclairage très faible, qui permet à seulement une ou deux personnes isolées d'expérimenter ce phénomène d'images animées, les Lumière ont choisi un système qui permet de faire partager l'expérience à toute une assemblée ». Faire des deux inventeurs les pères du cinéma, est abusif. En faire les initiateurs des premières projections animées sur grand écran ne l'est pas moins, puisque c'est leur compatriote Émile Reynaud qui, le premier, en octobre 1892, organisa devant une assemblée publique payante les projections des premiers dessins animés. Les frères Lumière eux-mêmes n'en revendiquaient pas autant et corrigeaient l'affirmation qui faisait d'eux les seuls inventeurs du cinéma, ainsi que le rapporte Maurice Trarieux-Lumière, petit-fils de Louis Lumière et président de l'Association Frères Lumière : « Mon grand-père a toujours reconnu avec une parfaite probité, j'en porte témoignage, les apports de Janssen, Muybridge et Marey, inventeurs de la chronophotographie, Reynaud, Edison et surtout Dickson ». L'Institut Lumière précise : « Ce sont bien les Lumière qui ont inventé le Cinématographe, dernier maillon achevé d'une longue chaîne de découvertes dont Louis Lumière s'est toujours senti redevable ». Construire la machine appelée « le Cinématographe » ne revient pas à inventer ce qui est au cœur du 7e Art, son essence même : les films (d'après une déclaration signée de Dickson, c'est Edison qui, le premier, adapte le mot anglais "film" aux œuvres de cinéma). Pas de films, pas de cinéma ! Et le couple Edison-Dickson est bien à l'origine des premiers films du cinéma, ainsi que le dit haut et fort Laurent Mannoni, conservateur à la Cinémathèque française des appareils du précinéma et du cinéma : les premiers films ont été enregistrés par le « kinétographe (en grec, écriture du mouvement) : caméra de l'Américain Thomas Edison, brevetée le 24 août 1891, employant du film perforé 35 mm et un système d'avance intermittente de la pellicule par "roue à rochet". Entre 1891 et 1895, Edison réalise quelque soixante-dix films ».