Les combats dans le centre du Mali ont fait une vingtaine de morts, le plus lourd bilan depuis presque un an dans des affrontements entre rébellion à dominante touareg et armée, chacun des deux camps accusant l'autre de saboter les laborieux efforts de paix internationaux. Menaka le mardi 28 avril, Goundam, le mercredi matin, puis Léré dans l'après midi ; les foyers de tensions du nord se multiplient à la vitesse d'un feu de brousse. "Les groupes engagés sur le terrain portent une lourde responsabilité", a souligné, jeudi 30 avril, le chef de la Mission de l'ONU au Mali (Minusma) Mongi Hamdi, condamnant "les graves violations du cessez-le-feu en cours au Mali à un moment crucial dans le processus de paix", en référence à l'accord que les parties doivent signer le 15 mai à Bamako. Les combats entre la rébellion et l'armée mercredi à Léré, près de la frontière mauritanienne, ont fait près de 20 morts et une vingtaine de blessés, a annoncé le ministère de la Défense: "9 morts, 6 blessés, 6 otages" (prisonniers) pour l'armée et, "côté ennemi": "10 morts et 16 blessés". De son côté, la Coordination des mouvements de l'Azawad (CMA, rébellion à dominante touareg) a justifié l'attaque de Léré par "la flagrante violation du cessez-le-feu par la partie malienne et ses milices à Ménaka" (nord-est), où des groupes pro-Bamako se sont emparés lundi de ses positions dans cette ville proche de la frontière nigérienne. "Cet acte de légitime défense n'a nullement pour but de reconquérir de nouvelles positions territoriales, c'est la raison pour laquelle nos forces ont immédiatement quitté Léré à la fin des affrontements", a assuré un porte-parole de la CMA dans un communiqué, revendiquant "une douzaine de prisonniers et plusieurs morts" dans les rangs adverses. Cinq blessés appartenant à la CMA, dont trois dans un état grave ont été hospitalisés dans la ville frontalière mauritanienne de Bassiknou, a indiqué une source de sécurité mauritanienne. Le calme était revenu jeudi matin à Léré, dont les assaillants se sont retirés. L'unité méhariste de la garde nationale basée dans la ville a reçu "un important renfort de l'armée", selon une source militaire malienne. Une source civile au sein de la médiation internationale dans la crise malienne a fait état de "discussions en cours pour obtenir un échange de prisonniers entre les deux camps". L'incident détonateur de Ménaka Auparavant, deux membres de la garde nationale, ainsi qu'un enfant, avaient été tués plus au nord-est, à Goundam, par des assaillants lors d'une attaque surprise mercredi à l'aube, imputée par l'ONU et le gouvernement à la CMA. Le ministère de la Défense a accusé la rébellion de nourrir "l'intention délibérée de faire péricliter le processus de paix en cours". Mais le chef de la Minusma et la CMA ont souligné que l'incident de Ménaka, lundi 27 avril, s'était produit juste après que des responsables rebelles eurent donné, dimanche 26 avril, leur accord pour parapher l'accord d'Alger, près de deux mois après Bamako et ses alliés. Confirmant ces affrontements, un communiqué du ministre de la Défense et des anciens combattants en date du 29 avril indique le soir, que « le MNLA, le HCUA et leurs alliés terroristes, après avoir assassiné ce matin le chef peloton de Goundam, son adjoint et une innocente fillette, viennent de s'attaquer cet après-midi, à visage découvert, aux forces du Mali régulièrement stationnées à Léré. Ces crimes font suite à d'autres commis contre de paisibles citoyens dans diverses localités du pays ». Selon le ministre, « Dans leur dessein inavoué, mais certes l'intention délibérée de faire péricliter le processus de paix en cours, le MNLA et ses alliés n'en sont pas à leur premier cas de violation des accords de cessez-le-feu. Prenant à témoin la Minusma, Barkhane et la communauté internationale de toutes les exactions, violations des accords et des droits élémentaires de l'homme par ces groupes dont la violence constitue l'unique mode d'expression, le ministre de la défense en appelle à la mobilisation de tous pour le respect des engagements pris et la préservation de la quiétude sociale sur toute l'étendue du territoire national ». Le ministre rassure les populations de la détermination des Forces armées maliennes et de leurs partenaires à protéger les personnes et leurs biens tout en réitérant la volonté des FAMa de respecter les accords, selon le communiqué. Échec du processus d'Alger Du côté de la médiation, un communiqué de mercredi 29 avril indique que « l'équipe de la Médiation élargie suit avec inquiétude et une attention particulière les développements intervenus ces derniers jours dans la localité de Ménaka et dans les environs de Tombouctou. Elle se déclare extrêmement préoccupée par le climat de tension et d'insécurité qui prévaut dans ces zones ». A l'effet d'évaluer ces développements qui ne sont pas de nature à favoriser l'apaisement et la sérénité nécessaire à cette étape importante du processus de paix, elle a entrepris une série de consultations, à l'issue desquelles : « Elle tient à rappeler à toutes les parties concernées leur engagement pour la paix et la nécessité du respect des dispositions de l'Accord de cessez-le-feu du 23 mai 2014 et ses modalités de mise en œuvre du 13 Juin 2014, la Déclaration de cessation des hostilités signée à Alger le 24 juillet 2014 et celle signée à Alger le 19 février 2015 ». Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, et Washington ont exhorté, mercredi 29 avril, toutes les parties à arrêter les violences et à retourner sur leurs positions fixées par les accords de cessez-le-feu, dont celui conclu en mai 2014, après la cuisante défaite de l'armée (plus de 50 morts) à Kidal, bastion rebelle du nord-est du pays. "Même si les discussions officieuses continuent, il faudra du temps pour que les activités militaires se calment", selon Yvan Guichaoua, spécialiste du Sahel et enseignant à l'université britannique d'East Anglia, doutant que l'échéance du 15 mai puisse être respectée. "Si la médiation et les autorités maliennes veulent maintenir une cérémonie de signature le 15 mai sans la CMA, il signeront un document vide de facto", a-t-il déclaré, décrivant le scénario du paraphe du 1er mars à Alger. Par ailleurs, une mine a explosé au passage d'un minibus près de Gao, principale ville du nord, faisant trois morts et 28 blessés. Le nord du Mali est tombé au printemps 2012 sous la coupe de groupes jihadistes liés à Al-Qaïda après la déroute de l'armée face à la rébellion, d'abord alliée à ces groupes qui l'ont ensuite évincée. Les jihadistes ont été dispersés et partiellement chassés de cette zone par une opération militaire internationale lancée en janvier 2013 à l'initiative de la France, et toujours en cours. Mais des zones entières échappent encore au contrôle de Bamako.