Le président malien Ibrahim Boubacar Keïta a exclu lundi toute impunité pour les auteurs des "crimes odieux" commis le week-end dernier à Kidal (extrême nord-est), fief de rebelles touareg qui y ont libéré 32 fonctionnaires après trois jours de captivité. Kidal a été théâtre de combats meurtriers samedi: le Premier ministre et plusieurs ministres, en visite dans le nord du pays, y ont été "reçus sous des balles et tirs à l'arme lourde de groupes armés", a affirmé le président dans un discours à la Nation. Des fonctionnaires en poste au gouvernorat ont été "pris en otage" par les groupes armés, qui "en ont froidement assassiné plusieurs. Je vous fais le serment que ces crimes odieux ne resteront pas impunis (...). Ils sont qualifiables de crimes contre l'humanité", a-t-il déclaré. "Les auteurs de ces prises d'otages et exécutions sommaires seront poursuivis devant les juridictions nationales et internationales", a-t-il insisté. La Mission de l'ONU au Mali (Minusma) a annoncé la libération lundi de 32 personnes au total, des fonctionnaires qui étaient retenus depuis samedi. Selon le gouvernement malien, 36 personnes dont huit militaires ont été tuées lors des combats, survenus alors que les soldatsmaliens sécurisaient la délégation officielle. D'après Bamako, les militaires ont affronté des hommes du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA, rébellion touareg) alliés à des jihadistes, accusation réfutée par le MNLA, qui a soutenu avoir réagi à une attaque de ses positions par l'armée, faisant "une dizaine de soldats maliens morts". La Minusma a de son côté dénoncé "l'assassinat de deux civils et six officiels maliens", sans plus de détails. De sources officielles, les six responsables tués sont deux préfets et quatre sous-préfets de la région de Kidal, qui ont été "abattus froidement" par les groupes armés. L'attaque contre les autorités à Kidal "n'est ni plus ni moins qu'une déclaration objective de guerre à l'Etat du Mali", a estimé le président Keïta, précisant que le Mali ne renonçait cependant pas à ses engagements de dialogue avec les mouvements armés. "Nous allons donc au dialogue, convaincus que nous sommes que le salut passe impérativement par là". La veille, son Premier ministre Moussa Mara avait été plus catégorique: "Les terroristes ont déclaré la guerre au Mali, le Mali est donc en guerre contre ces terroristes". De sources militaires, l'envoi de renforts à Kidal est en cours d'envoi depuis samedi et devrait se poursuivre. 1.500 hommes y sont arrivés depuis dimanche. Le nombre de soldats auparavant déployés n'était pas connu. Mais fin avril, M. Mara avait affirmé que le Mali disposait "d'environ 8.300 hommes (...) sur le théâtre des opérations" dans le Nord, où ils travaillent "en partenariat" avec les soldats de l'opération française Serval et la Minusma, "en vue de surmonter les énormes difficultés de sécurisation du territoire". - "Violences inacceptables" - Ces renforts sont déployés alors que Bamako tente de renforcer la présence de l'Etat dans le Nord, englobant les régions de Tombouctou, Gao et Kidal, où Moussa Mara a effectué du 16 au 18 mai sa première visite depuis sa prise de fonction. Les violences à Kidal ont été condamnées par plusieurs pays et organisations. Après la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest, l'Union africaine et les Etats-Unis dimanche, le Maroc s'en est dit inquiet lundi, tandis que la France a dénoncé des "violences inacceptables". La France a été le fer de lance d'une opération militaire internationale lancée en janvier 2013 - et toujours en cours - contre les jihadistes liés qui occupaient le nord du Mali. Ces islamistes liés à Al-Qaïda ont été chassés des grandes villes mais demeurent actifs dans ces zones. Ils étaient au départ alliés au MNLA, qui avait déclenché en janvier 2012 une offensive contre les forces maliennes dans le nord du Mali. Profitant d'un coup d'Etat militaire en mars 2012, ces divers groupes s'étaient emparés du Nord, d'où les rebelles touareg avaient ensuite été évincés par les jihadistes. Le MNLA est revenu à Kidal à la faveur de l'opération militaire internationale. En dépit de la présence sur place de soldatsmaliens, français et onusiens, cette zone échappe toujours au contrôle de l'Etat malien, en proie à l'anarchie et aux rivalités de groupes armés. Elle a souvent été au coeur des rébellions touareg qu'a connues le Mali depuis 1960, la dernière en date étant cette déclenchée du MNLA . Les violences de ce week-end ont suscité des réactions d'hostilité envers la force Serval et la Minusma, accusées de passivité face aux rebelles touareg. "Libérez Kidal!", "Minusma, à bas! La France, à bas!", a-t-on entendu lors de manifestations organisées à Bamako et Gao.