Dans un silence glaçant et un mépris assumé des droits humains, les autorités algériennes ont de nouveau procédé à une expulsion massive de migrants vers la frontière nigérienne. Plus de 1 800 personnes ont été abandonnées, au début du mois d'avril, dans un no man's land désertique, sans assistance, sans ressources, livrées à elles-mêmes dans une zone aride connue sous le nom de « point zéro ». L'organisation nigérienne Alarmphone Sahara, en première ligne dans le suivi des déplacements migratoires dans la région, a révélé cette nouvelle opération brutale menée le 19 avril, la qualifiant de plus vaste expulsion enregistrée depuis sa création. Selon Abdou Aziz Chehou, coordinateur de l'organisation, ces hommes, femmes et enfants ont été contraints de marcher pendant des heures dans des conditions extrêmes pour rallier Assamaka, le premier poste nigérien après la frontière. Aucun encadrement, aucune coordination humanitaire : simplement un abandon organisé, mécanique, assumé par un pouvoir qui multiplie les violations à huis clos. En l'espace de deux semaines à peine, plus de 4 000 personnes ont ainsi été refoulées depuis l'Algérie vers le Niger. Un chiffre qui, selon les responsables d'Alarmphone Sahara, reste largement sous-estimé, car il n'inclut pas celles et ceux qui, dans un désespoir tenace, tentent de regagner clandestinement le territoire algérien, dans une spirale sans fin d'errance, de refoulement et de précarité. Cette vague d'expulsions ne saurait être analysée indépendamment du contexte diplomatique régional tendu. Alger, autrefois proche des régimes civils du Sahel, se retrouve désormais isolée face à une ceinture d'Etats dirigés par des gouvernements de transition : le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Tous trois ont rappelé leurs ambassadeurs en poste à Alger en avril, dénonçant les ingérences du pouvoir algérien et les différends sur la gestion des frontières communes. Le régime algérien, incapable de redéfinir une politique régionale cohérente, semble faire payer aux migrants le prix de son isolement croissant. Lire aussi : Après l'agitation, Tebboune tente de rediriger le cap algérien vers les urgences économiques L'Algérie, historiquement perçue comme une terre de transit pour les migrants d'Afrique subsaharienne fuyant la guerre, la pauvreté ou les bouleversements climatiques, devient aujourd'hui un cul-de-sac répressif. Les candidats à l'exil y subissent non seulement l'arbitraire administratif, mais aussi des refoulements systématiques vers des zones hostiles, au mépris des conventions internationales que le pays a pourtant ratifiées. Ce durcissement s'inscrit dans une tendance plus large, alimentée par les pressions européennes et les accords bilatéraux de coopération sécuritaire. Face à une Europe obsédée par la fermeture de ses frontières, l'Algérie, comme la Tunisie, la Libye ou encore le Maroc, devient l'un des sous-traitants cyniques de cette politique migratoire externalisée, au détriment des vies humaines. En 2024 déjà, Alarmphone Sahara recensait plus de 30 000 personnes refoulées par l'Algérie. Le modus operandi reste le même : arrestations massives, transport en bus jusqu'à la frontière, puis abandon dans le désert. Une mécanique de l'exclusion que ni les autorités algériennes ni nigériennes n'ont jamais daigné commenter. Pire, aucun média officiel algérien n'a couvert l'opération du 19 avril, préférant l'omerta à la confrontation des faits. Pourtant, un accord bilatéral signé en 2014 stipule que seuls les ressortissants nigériens peuvent être reconduits à la frontière dans ce secteur. En bafouant délibérément cet engagement, Alger démontre, une fois encore, que les textes n'ont pour elle d'utilité que lorsqu'ils servent ses intérêts géopolitiques ou diplomatiques. La communauté internationale, quant à elle, reste remarquablement silencieuse. La cruauté de ces expulsions n'émeut ni les chancelleries européennes, ni les institutions régionales. Les migrants, eux, paient le prix fort, dans l'oubli et la poussière du désert.