Sans espoir, après la fermeture des frontières avec Sebta, les jeunes de Fnideq et M'diq s'aventurent en grand nombre à rejoindre l'enclave, dans un périple périlleux. Eclairage. C'est un week-end pas comme les autres qu'ont vécu les habitants de Fnideq et M'diq, villes rongées par une crise sociale sans précédent qui ne cesse de s'aggraver aussi longtemps que dure la fermeture des frontières avec Sebta. Après avoir protesté à moult reprises, parfois avec violence, contre la marginalisation et l'absence de débouchés alternatifs au commerce transfrontalier, la jeunesse ne semble avoir d'autre choix que de quitter sa ville, de façon qui risque d'être suicidaire. Une migration collective Plus de 70 personnes se sont enhardies à rejoindre l'enclave de Sebta, à la nage, ont rapporté des médias locaux marocains et espagnols. Dans une scène inouïe qui continue de faire le tour des réseaux sociaux, des jeunes migrants ont été même encouragés par quelques habitants alors qu'ils s'apprêtaient à se jeter dans la mer. Tandis que la plupart d'entre eux ont pu atteindre la côte de Trajal, grâce à l'aide des équipes de sauvetage et de la Croix rouge, quelques-uns (le nombre est encore inconnu) ont péri lors de leur traversée et d'autres sont encore disparus. El Faro de Ceuta a rapporté deux cas de disparition de mineurs et un cas de décès d'un homme, père d'une famille. Perte d'espoir ? Si les jeunes en viennent à risquer leur vie aussi désespérément, c'est parce que la vie à Fnideq, comme à M'diq et Martil, devient très difficile pour ne pas dire invivable. Durant les trois derniers mois, la ville vit au rythme des manifestations des habitants, touchés de plein fouet par la fermeture des frontières avec Sebta, qui constituait la seule source de revenu pour des centaines de familles, vivant du commerce transfrontalier et de la contrebande. Contacté par L'Opinion, Mohammed Abgar, avocat et membre du groupe de réflexion pour Fnideq, a indiqué qu'ils sont nombreux à perdre leurs emplois dans la ville sous l'effet double de la suspension de la contrebande, et les mesures de restrictions dues à l'état d'urgence sanitaire. « Il s'agit d'une crise sociale structurelle », estime M. Abgar, ajoutant qu'une grande partie des jeunes n'ont plus espoir dans l'amélioration de leur sort, en dépit des promesses des autorités de la région, qui ont annoncé des projets générateurs d'emplois, en réponse à la grogne sociale. De son côté, Abderrahman Mandor, militant associatif local, pense que ce geste de migration collective des jeunes témoigne de la gravité de la situation économique de la ville de Fnideq. « Le couvre-feu, le confinement et la fermeture des frontières ont réduit drastiquement le revenu des familles dont la majorité vivent d'activités journalières et informelles », nous a-t-il expliqué, ajoutant que l'économie de Fnideq dépend cruellement de celle de Sebta. Le difficile retour à la vie normale Malgré le plan préparé par le gouvernement pour revigorer l'activité économique dans la ville, cela ne suffit pas pour rassurer les habitants et notamment les jeunes, qui s'attendent à des emplois immédiats et des solutions instantanées. Dans ce contexte critique, les mesures de rafistolage ne servent à rien aux yeux d'Abderrahman Mandor qui estime que seul une intervention massive du gouvernement peut remédier au marasme actuel. Repères Fnideq : reprise des manifestations
Après une légère accalmie, les manifestations ont repris dans la ville de Fnideq. Celle-ci renoue avec la contestation. Une foule d'habitants en colère ont réinvesti la rue, mercredi 21 avril, pour brandir à nouveau leurs revendications. Près du siège du Pachalik, ces derniers ont crié leur colère, répétant « les gens veulent vivres ». Leur revendication principale reste immuable : ouvrir les frontières avec Sebta pour reprendre le commerce transfrontalier. Relance : la course contre la montre
Selon l'avocat Abgar, la concrétisation des promesses des autorités pour relancer l'activité économique prendra beaucoup de temps, « ce qui n'est pas en état de conforter les jeunes qui souffrent d'un chômage chronique qui dure depuis des années, aggravé par la crise liée au covid-19 ». « Les autorités ont proposé des contrats de travail dans des usines et des manufactures à Tanger et à Tétouan », a-t-il indiqué, soulignant que la demande est telle que l'offre ne parvient pas la satisfaire.