Alors que les enseignants contractuels continuent de monter au créneau, le ministre de l'Education a déclaré au parlement que son département « n'a imposé le mode d›embauche régional à personne ». Une position fustigée par les députés. Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'année scolaire 2020/21 a été en deçà des attentes des élèves, de leurs parents, des enseignants et sans doute du ministère de tutelle. Car, outre la pandémie, qui a complètement chamboulé l'enseignement au Maroc, cette année a été marquée par les multiples protestations des enseignants contractuels, qui appellent à leur intégration dans la Fonction publique. Or, malgré les escalades de ces deniers et leur détermination à poursuivre les protestations sociales, le ministère de l'Education semble déterminé à ne pas lâcher du lest. Devant les élus de la première Chambre, le ministre de l'Education nationale, Saaïd Amzazi, a insisté que son département « n'a imposé le mode d'embauche régional à personne et reste attaché à garantir le droit des élèves à l'apprentissage ». Sur un ton ferme, il a affirmé que les enseignants recrutés ont adhéré de leur plein gré à ce système, ajoutant que le taux de participation élevé, croissant et volontaire aux concours de recrutement organisés annuellement par les académies régionales, témoigne du succès de ce dispositif. Essayant de consolider son plaidoyer, le ministre a déclaré que l'embauche régionale, adoptée à compter de fin 2016, a permis le recrutement de 100.000 cadres en l'espace de 5 ans, « soit l'équivalent de ce qui a été accompli en plus de 20 ans en la matière ». De même qu'elle a permis la réalisation d'une justice spatiale en matière de services éducatifs aux enfants, essentiellement dans le monde rural, et a profité avant tout à l'éducation de la jeune fille rurale. Il a ainsi attribué les amplifications accompagnant le dossier des enseignants cadres des académies au manque de communication sur les différents aspects entourant ce dossier, le non accompagnement de ses développements ou encore la volonté préméditée de certaines parties qui, selon lui, essayent «de faire sortir le sujet de son vrai contexte ». Un plaidoyer non-convaincant ! Cela dit, la rhétorique de Saaïd Amzazi n'a pas convaincu les élus de la nation, surtout ceux de l'opposition qui ont fustigé le « mutisme » du gouvernement, en relavant l'absence d'une évaluation des modèles éducatifs adoptés durant cette période de crise, sans oublier les inégalités des chances entre les élèves du public et ceux du privé, dont une grande partie bénéficie d'un système d'enseignement hybride de qualité. Dans ce sens, le député Istiqlalien Ismaïl Bekkali a déclaré que « le gouvernement n'a pas respecté les engagements qu'il a fixés dans son programme électoral, ce qui a conduit à cette détérioration de l'école publique ». En réaction aux propos du ministre de l'Education, le député a indiqué que « l'Exécutif a perdu la confiance de la famille de l'enseignement public, en important le système des contrats », rappelant que « dès la première présentation de ce projet, le Parti de l'Istiqlal a alerté sur les répercussions négatives que pourrait avoir une telle réforme, or, le gouvernement a choisi de faire la sourde oreille ». Dans ce même ordre d'idées, le député a exprimé son étonnement vis-à-vis du laconisme du gouvernement, notant que la tutelle « a fermé la porte du dialogue avec ses enseignants, laissant ces derniers se heurter aux autorités publiques, au lieu de les inviter à des concertations constructives ». In fine, Ismaïl Bekkali a affirmé que les Marocains sont insatisfaits de l'état du secteur de l'Education nationale, précisant qu'au moment où il fallait mener des études pour promouvoir ce chantier, «la majorité s'est engagée dans des batailles, injustifiées et perdues d'avance, avortant ainsi l'espoir d'une réforme efficace et optimale». Alors que la présente année scolaire touche à sa fin, la Coordination nationale des professeurs auxquels le système contractuel aurait été imposé, a annoncé à maintes reprises qu'ils continueront de monter au créneau, jusqu'à ce que leurs revendications soient prises en compte. Pour sa part, Saaïd Amzazi les appelle à prendre en considération l'intérêt des élèves et leur droit à l'apprentissage. Ceci laisse présager que l'épineux dossier des contractuels ne sera pas résolu de sitôt. Saâd JAFRI 3 questions à Abdelmajid Fassi Fihri « Il faut supprimer le recrutement par contrat dans l'Education nationale »
Nous avons contacté Abdelmajid Fassi Fihri, membre du groupe istiqlalien « Pour l'Unité et l'Egalitarisme » à la Chambre des Représentants, pour nous donner son avis sur la situation des enseignants cadres des Académies régionales d'éducation et de formation (AREF). - Comment évaluez-vous la situation des enseignants contractuels ? - Le Parti de l'Istiqlal a dès le départ critiqué avec vigueur le recours massif et systématique du gouvernement au recrutement par contrat dans l'Education nationale dans la mesure où ça crée de la précarité au sein du corps enseignant qui ne peut plus travailler dans la sérénité dans un secteur où la stabilité est un facteur essentiel. - Quels sont les effets des multiples grèves menées par les contractuels sur le déroulement de l'année scolaire ? - Aujourd'hui, les enseignants grévistes ont mis en avant le slogan du « non-retour », ce qui montre le niveau de désarroi dans lequel ces derniers se trouvent. Evidemment, les premières personnes impactées sont les élèves, d'où la nécessité pour le gouvernement de reprendre immédiatement le dialogue, surtout que l'enseignement supérieur connaît également des problèmes avec les protestations permanentes des diplômés docteurs au chômage. - Ce dossier sera sûrement hérité par le prochain gouvernement, comment pourrait-on résoudre cette problématique ? - Encore une fois, le Parti de l'Istiqlal est clair sur le sujet et considère qu'il faut supprimer le recrutement par contrat dans l'Education nationale. Il faut investir massivement dans ce secteur en créant des postes budgétaires suffisants pour palier à toutes les lacunes existantes au niveau pédagogique.