Une nouvelle cartographie des IDE dans le secteur local des énergies renouvelables, est en pleine esquisse... Les acteurs ? Des pays encore méconnus du secteur, de nouvelles références acquises il n'y pas plus d'une année, et une perte de vitesse des marchés traditionnels. Le constat est fondé sur les dernières actualités des programmes solaire et éolien, en l'occurrence. La plus récente est liée au projet éolien intégré de 850 MW, lancé en début d'année par l'Office national de l'électricité, et partie intégrante du programme éolien national. À la grande surprise de l'opinion publique et des observateurs les plus avertis du secteur, la Chine, est l'un des pays fournisseurs d'expertises les mieux positionnés dans la phase de préqualification. L'Empire du Milieu domine surtout en nombre d'entreprises et de groupes d'entreprises ayant répondu à l'appel à candidature. Six enseignes ou groupes de sociétés, soit près de la moitié du total des soumissionnaires, sont effectivement chinoises. Dans cette liste, elles se nomment China Petroleum Liaohe Equipment Company, CECEP Wind Power, Goldwind, etc. Encore peu connues, il y a tout juste quelques années, ces enseignes sont de plus en plus présentes sur la scène internationale des énergies renouvelables. «Goldwind est actuellement le deuxième producteur mondial d'équipements éoliens. Il est certain que sa participation au programme éolien marocain démontre des intérêts de plus en plus accrus de l'industrie chinoise des énergies renouvelables pour ce marché», commente Liu Baogui, le conseiller économique et commercial de l'ambassade de Chine à Rabat. Et d'ajouter : «nous garantissons aussi une bonne disposition au transfert de technologie, comme le requiert les autorités locales. C'est aussi un échange d'expertise Sud-Sud». Le responsable diplomatique n'a évidemment pas manqué de nous vendre le principal atout de son pays dans ce secteur : le prix des équipements. La Chine a remporté cette guerre depuis plus d'une décennie, au détriment des occidentaux, qui misent surtout sur le terrain de la qualité et de la fiabilité, mais pour Liu Baogui, ce rapport a fortement évolué. Cette prise d'ampleur constatée de l'industrie chinoise des énergies renouvelables est corollaire à la combinaison de deux facteurs : une maturité de l'offre chinoise en termes de qualité, tout en maintenant des prix nettement plus bas que ceux des occidentaux. «C'est lorsque nous avons commencé à développer notre vraie propre technologie, que les fournisseurs occidentaux ont commencé à perdre des parts de marché dans ce secteur», pense le conseiller économique et commercial chinois. «de toute façon, nos prix finiront sans doute par s'aligner à un niveau plus élevé, puisque le coût de la main d'ouvre locale et de certaines matières premières sont en forte progression», projette Baogui. Ce dernier ajoute, de plus, le lancement, par l'actuel gouvernement chinois, d'un véritable programme de lutte contre la contrefaçon, destiné sans doute à se débarrasser d'une «étiquette» collée pendant longtemps sur les produits du géant asiatique. Rattrapage Cette offensive sur les énergies renouvelables, menée lentement mais sûrement, est en réaction à l'essoufflement de la croissance du pays, attendue en ralentissement dès 2013 par les dernières perspectives de plusieurs organismes internationaux. Le secteur industriel, traditionnelle force motrice de l'économie du pays, se tourne en effet progressivement vers des filières à plus fortes perspectives de croissance comme les énergies nouvelles, et de nouveaux marchés demandeurs d'expertises et d'équipements dans ce domaine nouveau, comme le Maroc. «Cette croissance a été ralentie de façon volontaire. C'est une décision qui entre dans le cadre d'un vaste programme de restructuration des secteurs économiques de la Chine. Dans cette restructuration, le gouvernement encourage les branches d'activités peu consommatrices de ressources naturelles et peu polluantes», nous explique Baogui. Pour le diplomate, cela a donné plus d'importance au secteur des énergies renouvelables, pour pouvoir aller à l'assaut de nouveaux marchés dans le monde. Cette thèse semble en tout cas appuyée par le tout dernier rapport du REN21 (Renewable Energy Policy Network for the 21st Century), un réseau politique mondial spécialisé dans la promotion et le développement des énergies nouvelles dans le monde, particulièrement dans les pays en voie de développement et industrialisés. Dans son «Renewables 2012 Global Status Report», l'organisme place ainsi la Chine en tête des investisseurs les plus présents sur le marché des énergies renouvelables en 2011. L'Empire du Milieu, «avec 52 milliards de dollars US d'investissements dans les renouvelables hors hydroélectrique, soit, à lui seul, près de la moitié des investissements des 27 pays de l'Union européenne, reste leader mondial», note-t-on dans ce document. La Chine devance ainsi de près les Etats-Unis avec 51 milliards de dollars US. L'Europe, qui regroupait jadis les pays les plus en avant dans le domaine comme l'Allemagne, l'Espagne et la France, reste tout de même parmi les principales régions du monde en termes d'investissements, cumulant un total de 101 milliards de dollars US à fin 2011. Pétrodollars à la rescousse Si la domination chinoise semble en passe de s'affirmer de plus en plus sur la filière éolienne marocaine, les premières qualifications liées au plan solaire national ont également révélé un nouveau pôle de compétences et d'investissements, jusque-là méconnu : les pays du Golfe arabique, en général, et de l'Arabie saoudite, en particulier. Le consortium dirigé par le groupe saoudien International Company for Water and Power (ACWA Power), est de plus en plus pressenti comme l'attributaire de la première phase du complexe énergétique solaire d'Ouarzazate, portant sur une capacité installée visée à terme de 500MW. Très peu référencée en termes de savoir-faire technologique, l'expertise saoudienne s'illustre surtout du côté financier. C'est le cas pour le projet d' Ouarzazate. L'offre saoudienne a pris de court la concurrence, en proposant le prix du kilowattheure le plus faible : 1,5 DH/kWh. Ce serait en effet le tarif de revente de l'énergie solaire qui sera produit à partir du complexe d'Ouarzazate. «Cela constituerait une différence de 20% par rapport aux offres des deux autres groupements en lice pour le projet, à savoir Abeinsa ICI, Abengoa Solar, Mitsui, Abu Dhabi NEC et ENEL & ACS SCE», selon des sources proches du dossier au sein de la Moroccan Agency for Solar Energy. Tout ce qui précède justifie également le fond des alliances que le groupe saoudien a établi dans le cadre du projet marocain. Dans le même groupement dont il est leader, l'on retrouve, comme partenaires à Acwa, l'espagnol Aries IS et l'allemand TSK EE, plus présents sur le volet technologique. Diversification accélérée Par ailleurs, le leader saoudien a aussi le vent en poupe et collectionne les projets et participations sur plusieurs autres nouveaux marchés du monde. 2012 a particulièrement été active pour le groupe saoudien. La dernière opération réussie a été menée en Bulgarie, en fin juin dernier en Europe de l'Est, un des nouveaux marchés de développement du secteur des énergies nouvelles. Acwa Power vient en effet de finaliser un projet d'acquisition de 42% des parts dans la principale ferme solaire bulgare, construite avec la technologie photovoltaïque qui devrait caractériser les équipements d'au moins une des deux prochaines phases du complexe d'Ouarzazate. Plus proche de nous, sur le continent africain, Acwa vient en effet de remporter un gros marché en Afrique du Sud. Le consortium dirigé par le groupe a effectivement été choisi pour construire et développer le «Bokpoort CSP Independent Power Project», une initiative industrielle basée sur la technologie de la concentration solaire située au nord de la province du Cap, à 600 Km de Johannesburg. Le larron américain ? Dans cette course au positionnement étranger sur les grands projets énergétiques nationaux, un troisième larron vient de se manifester en catimini des autorités marocaines. Il vient d'Outre-Atlantique, et est l'un des géants du secteur éclectique nord américain, mais aussi dans d'autres branches d'activité. Plusieurs hauts responsables du groupe General Electric (GE) ont en effet opéré la semaine dernière une sorte de mission de reconnaissance sur le potentiel d'investissement marocain. Une visite de travail de trois jours, les a conduits à la rencontre de plusieurs responsables publics et privés du royaume. Le secteur des énergies renouvelables n'a sans doute pas été laissé en rade dans le menu des discussions, même si rien d'officiel n'a filtré de la série de réunions tenues durant ces 72 heures. Il est tout de même quasi certain que le conglomérat américain aurait des visées très sérieuses pour les projets énergétiques marocains. Pendant longtemps en retrait de la course et en convalescence relative vis-à-vis de la crise de 2009, les Etats-Unis semblent vouloir se faire une place au soleil...mais aussi peut-être sous le vent. La branche «Energy infrastructure» de GE, en l'occurrence, se prépositionne d'ailleurs parmi les références mondiales les plus avancées dans le développement, la réalisation et le perfectionnement des produits et technologies destinées à l'exploitation énergétique des ressources éoliennes, gazières ou hydroélectriques. La lutte de positionnement ne fait que commencer...Pour les autorités marocaines, pas question de préférence pour telle ou telle expertise, par rapport à une autre. La mise en concurrence libre et ouverte sera de mise pour tous les projets de la nouvelle stratégie énergétique nationale. C'est en tous cas la thèse qu'une source interne au ministère de l'Energie, de l'eau et de l'environnement, nous a soufflée. Le Maroc cherche de plus, parallèlement à la réalisation des grands projets solaire et éolien, la création de véritables filières industrielles locales. L'ouverture aux expertises les mieux positionnées dans le monde, pour ce secteur nouveau, sera la voie choisie pour atteindre cet objectif. L'expertise européenne en baisse de régime Derrière la Chine, l'Espagne est parmi les principaux candidats à la préqualification au projet éolien de 850MW. En dépit de la crise, qui a porté un coup dur à l'image du pays et à la crédibilité de son secteur privé, ce pays compte bien conserver ses avantages de marché sur le secteur des énergies renouvelables au Maroc, où le pays ibérique joue surtout sur le levier de marché de proximité et d'exportation d'énergie électrique. L'Allemagne talonne l'Espagne en nombre de sociétés représentantes, avec Siemens, Fuhrlander et Wiendreich. Le pays d'Angela Merkel est surtout perçu dans le secteur, en l'occurrence sur la filière solaire, comme le leader en termes de qualité et de fiabilité des équipements et installations de production à grande échelle. Le Portugal est également parmi les grands intéressés à la filière éolienne nationale, avec EDP Renovaveis, EDP Energias et Efacec. Quant à la France, elle, il s'agit plus d'une affaire de frustration a rattraper qu'autre chose. En effet, après avoir raté la première phase du complexe solaire de Ouarzazate, l'offre française dans les énergies renouvelables revient en force et ne néglige aucun moyen pour sécuriser son positionnement sur le marché local. Il faut tout de même savoir que la France est également présente sur le secteur local des énergies renouvelables à travers les interventions de sa structure d'aide au développement, l'Agence française de développement (AFD). Riposte allemande contre la Chine ? C'est une véritable guerre commerciale qui se profile entre l'Allemagne et la Chine sur les filières des énergies renouvelables. La première bataille devrait se passer sur le terrain du solaire. Face à l'enchaînement des déclarations de faillite dans l'industrie allemande du solaire photovoltaïque, les autorités de ce pays brandissent de plus en plus sérieusement l'option d'une «plainte anti-dumping, devant la Commission européenne contre les fabricants chinois de panneaux à bas coûts», de source de presse spécialisée. Il faut savoir que l'Allemagne y a laissé des plumes, dans la tendance de chute drastique des cours des technologies solaires. L'une de ses plus grandes pertes reste Solar Millenium. L'opérateur était en lice pour le complexe solaire de Ouarzazate et formait un groupement avec Orascom CI et Evonik Steag. Officiellement annoncé en faillite en fin 2010, toute l'offre du groupement est tombée à l'eau et s'est retirée de la course. La Chine est en effet très compétitive sur les prix des technologies comparables à celles des économmies occidentales, notamment européennes, qui bénéficient pourtant des meilleures références dans le secteur des énergies renouvelables.