Alors que l'importation des produits énergétiques représente 27% de nos importations totales, la consommation par habitant par an n'est que de 0,5 tonne d'équivalent pétrole (TEP) contre une moyenne internationale de 1,8 TEP. Dans les semaines ou mois à venir, il est prévu le lancement de l'opération pour que le gaz soit introduit. Sa mise en oeuvre nécessitera entre 5 et huit ans et jusqu'à 3,5 milliards de dollars pour la première tranche qui assurera 5 et 8 milliards de mètres cubes par an. Le contrat-programme établi va enfin mettre l'ONEE en position de société disposant des moyens financiers nécessaires pour honorer ses engagements et poursuivre sa mission. Il sera annoncé en novembre prochain l'extension par décret de la loi 13-09 aux moyennes et basses tensions. Mohamed Fettah, le président de la Fédération de l'énergie, passe en revue les principaux volets de la stratégie énergétique lancée en 2009. Finances News Hebdo : Au Maroc, la consommation augmente-t-elle plus rapidement que les retombées des projets énergétiques lancés dans le cadre de la stratégie énergétique, rendant ses objectifs obsolètes ? Mohamed Fettah : Au Maroc, il y a des données indiscutables et des réalités incontournable : Nous importons 95% de nos besoins énergétiques, ce qui représente pratiquement 27% des nos importations totales. C'est insupportable. Par ailleurs, ces importations sont essentiellement dédiées au pétrole et aux produits pétroliers, à hauteur de 90%. Le reste concerne le charbon pour 5% et l'électricité pour 3%. Cette situation grève notre balance commerciale et interpelle au niveau d'un mix énergétique peu diversifié. Il est a souligné que notre consommation par habitant et par an n'est que de l'ordre de 0,5 tonne d'équivalent pétrole (TEP) à comparer à la Tunisie qui affiche une consommation de 0,9 TEP par habitant et par an, alors que l'Algérie et la Jordanie sont à 1 TEP. La moyenne internationale est autour de 1,8 TEP, soit trois fois notre moyenne nationale. Donc, d'un côté nous enregistrons une sous-consommation par habitant par rapport à notre niveau de développement, et d'un autre côté une dépendance du marché international importante avec une moyenne de croissance qui se situait entre 5 et 5,5% durant ces dix dernières années. Et qui dit développement économique, dit investissement et croissance des besoins de la consommation et le secteur qui croit le plus est celui de l'électricité. Si les besoins énergétiques augmentent au même rythme de la croissance économique, soit de 5% pour l'énergie totale, pour l'électricité cette croissance se situe à 7% pratiquement par an, et double la consommation nationale tous les dix ans et exige des investissements conséquents. F.N.H. : Cette contrainte a été la principale problématique autour de laquelle se sont articulées les Assises de l'énergie présidées par SM le Roi. M. F. : Les pouvoirs publics ont décliné une stratégie cohérente intégrant toutes les spécificités ci-dessus rappelées et ce pour garantir la disponibilité, la sécurité de nos besoins pour un développement harmonieux et continu ; Il s'agit de : 1. Répondre à une demande appelée à croitre remarquablement 2. Généraliser l'accès à l'énergie et à l'électricité dans des conditions viables. 3. Réserver un intérêt primordial à la valorisation du potentiel national en énergies renouvelables, tout en préservant l'environnement et en développant l'efficacité énergétique. F.N.H. : Tout en rationnalisant la consommation ... M. F. : Il s'agit là du volet de l'efficacité énergétique (EE) désormais érigée en priorité à part entière. Il a été ainsi décidé depuis 2009 de recourir aux énergies renouvelables (ER). Nous avons en effet, des ressources de bonne qualité qu'il s'agisse d'éolien, du solaire et à un niveau moins important et plus contraignant de l'hydraulique. L'objectif étant d'atteindre 42% de la couverture de nos besoins en énergie assurés par les ER à horizon 2020. C'est en somme un plan cohérent, réaliste et nous avons les moyens pour le réaliser ! Autre possibilité pour la diversification de notre bouquet énergétique : le gaz naturel. Nous sommes un pays où la part du gaz dans le mix énergétique ne représente que 2 à 3% maximum et après la conclusion des contrats d'achat avec l'Algérie pour alimenter les centrales électriques de Béni Mathar, à 4 ou 5% tout au plus. Or, la part du gaz en moyenne dans les autres pays se situe autour de 15 et même au-delà de 25%. Le gaz naturel présente des atouts et des vertus que n'ont pas le pétrole et le charbon. Il faut donc introduire davantage le gaz naturel. C'est une décision sérieuse est incontournable. Troisième point sur lequel nous pouvons oeuvrer, et ce que nous qualifions aujourd'hui à juste titre d'ailleurs de quatrième énergie, est l'efficacité énergétique. Il s'agit de lutter contre le gaspillage des ressources disponibles. Nous devons nous mobiliser pour la chasse au gaspillage et pour ces ressources à travers, premièrement une lutte contre le gaspillage apprendre à mieux maîtriser la consommation de l'énergie et adapter les outils de production des unités industrielles, dont 75%, d'après les dernières analyses et études faites par la CGEM, sont aujourd'hui équipées de moyens obsolètes et énergétivores. L'EE est un aspect qui touche tous les secteurs et plusieurs aspects de notre vie quotidienne, de notre culture et nos comportements. Il y a des actions urgentes à engager compte tenu des attentes et des enjeux, notre facture énergétique qui est de l'ordre de 100 milliards de DH, grève notre balance commerciale, assèche des moyens de développement du pays, affecte le pouvoir d'achat des ménages et handicape la compétitivité des entreprises. Ce bilan de l'efficacité énergétique est au centre des stratégies en Europe et ailleurs. En Europe il existe un plan Européen et des directives que chaque membre de l'UE est tenu de respecter et de dresser des bilans périodiques. Le Maroc considère aussi l'efficacité énergétique comme une priorité des priorités parce que dans certains cas aucun investissement n'est nécessaire pour économiser de l'énergie. A titre d'exemple, quand on est dans un endroit climatisé, il faut avoir le réflexe de garder les portes et fenêtres fermées pour éviter la déperdition de l'énergie. Il y a autant de réflexes à enraciner dans le comportement de la société marocaine, car l'EE est un gisement qu'on n'a même pas besoin de découvrir ! F.N.H. : Justement, dans le cadre de la Stratégie nationale de l'énergie, nombre de mesures ont été édictées pour une meilleure efficacité énergétique et pour atteindre l'objectif de 30% d'économie d'énergie. Et pourtant rien n'y est fait concrètement. Pourquoi ce volet demeure-t-il le parent pauvre de cette stratégie ? M. F. : Vous avez raison de souligner cet état de fait. L'un des objectifs du Forum que la Fédération de l'énergie est en train de préparer, est de dresser le bilan de ce qui a été réalisé en matière d'efficacité énergétique. Un bilan suggère les points positifs et ceux qui le sont moins ! L'objectif étant de réunir tous les partenaires, la question nous concerne tous, opérateurs, pouvoirs publics et consommateurs, elle implique des financements, des mesures incitatives, une législation et des campagnes de communication pour sensibiliser l'opinion public. Bien évidemment, il serait injuste de dire que rien n'est fait certes les actions méritent d'être repensées et avec toute la rigueur requise. Et la communication est un élément-clé pour parvenir à convaincre de l'intérêt de l'efficacité énergétique. Imaginez que 1% de réduction de notre consommation en énergie nous permet d'économiser un milliard de DH. C'est dire tout l'enjeu de l'efficacité énergétique. Notre Forum est ouvert pour discuter sereinement et sincèrement des mesures nécessaires à prendre pour alléger la facture énergétique. Et ce n'est pas utopique ! Je pense qu'un peu plus de rigueur et de contrôle sont de mise pour aborder ce thème. Nous avons surtout besoin de communiquer sur ces actions à entreprendre pour faire de l'EE un réflexe. F.N.H. : Cinq année se sont écoulées depuis le lancement de la stratégie énergétique, un long chemin a été parcouru notamment de lever le verrou législatif, la création d'opérateurs publics dédiés ou encore le lancement de projets phares... Aujourd'hui, où en sommes-nous ? M. F. : Sur le plan des ER, un effort remarquable est engagé il se traduit par d'importants progrès sur le terrain. Pour le solaire, la première centrale thermo-solaire Noor I sera mise en service en 2015. L'éolien, pour sa part, connaît un essor remarquable. Pour le gaz, l'on s'attend dans les semaines à venir au lancement des mesures de son introduction. Ce ne sera pas une opération facile, les délais sont importants, la mise en oeuvre nécessitera entre 5 et huit ans. Cela requiert des investissements conséquents estimés à 3,5 milliards de dollars pour la première tranche appelée à répondre à des besoins de l'ordre de 5 à 8 milliards de mètres cubes par an. F.N.H. : Qu'en est-il de l'électricité et le récent épisode de l'ONEE ? M. F. : Il faut souligner l'opportunité des mesures tarifaires prises par le gouvernement. J'ai insisté au début sur le fait que l'électricité croît à un rythme rapide, ce qui se traduit pour l'Etat par des investissements importants. Pour suivre le trend de consommation actuel, il faut construire une centrale de 1.200 mégawatts tous les 18 mois ! Face à cette réalité, l'ONEE était dans une position inconfortable. Le contrat-programme établi va enfin mettre l'ONEE en position de société disposant des moyens financiers nécessaires pour honorer ses engagements et poursuivre son développement et sa mission de service public. L'ONEE avec une trésorerie asséchée, croulait sous les dettes et ne pouvait plus payer les sociétés qui travaillaient avec lui. Il faut mesurer la portée stratégique de la révision des tarifs. J'ajouterai aussi un autre fait majeur, celui de la décompensation ! Cette décision a donné plus de chance aux ER car tant que le fuel et le gasoil étaient commercialisés à des prix subventionnés, ils biaisaient toute la compétitivité des ER face aux énergies classiques. C'est à la limite de la concurrence déloyale. Aujourd'hui, la décompensation partielle des produits pétroliers permet aux ER de percer et d'être plus compétitives. Dans l'ensemble, il s'agit de décisions judicieuses qui permettent une évolution harmonieuse de la mise en place du mix énergétique et des plans mis en place par l'Etat dans le cadre de la stratégie énergétique. Aussi, cette révision va pousser les consommateurs à être plus regardants sur leur consommation énergétique. F.N.H. : La réglementation a été pendant longtemps un frein au développement énergétique au Maroc. Aujourd'hui, peut-on prétendre que le cadre législatif est totalement balisé ? M. F. : Le code des hydrocarbures a été refait, devenant plus attrayant et plus incitatif à l'investissement. On en veut comme preuve le nombre des forages, dont une trentaine a été programmée, et le budget alloué par les compagnies concernées, dont des compagnies majeures sur le plan international, est estimé à 5 milliards de DH. Aussi, il sera annoncé le 4 novembre prochain, lors de l'événement Photovoltaïca l'extension par décret de la loi 13-09, qui a donné une réelle impulsion au développement des ER, aux moyennes et basses tensions, ce qui va donner encore plus d'intérêt aux actions et investissements dans le domaine. Pour rebondir à votre question, on ne peut pas dire que le cadre réglementaire est totalement balisé parce que c'est un secteur évolutif et qu'il y a d'autres facettes qui nécessitent des textes réglementaires. Notamment la question de la sécurité au niveau des installations, de transport et de distribution du gaz et des produits pétroliers. Il y a aussi des choses à régler à propos des normes de construction des locaux de stockage de gaz, de bonbonnes de gaz ...etc. De toutes façons, plus le secteur évoluera, plus il faudra adapter la réglementation et la mettre au service de son développement ! Un travail sérieux et remarquable a été accompli à ce jour, à savoir que l'expérience et l'expertise marocaines sont désormais exportées en dehors de nos frontières, notamment en Afrique. Sachant que c'est un secteur de création récente, c'est dire les étapes franchies ces dernières années.