Rama Yade avait crânement refusé une tête de liste UMP et un siège de député à Bruxelles arguant qu'elle voulait faire sa carrière politique dans l'Hexagone. Le discours politique vient de prendre un sacré coup de jeune, d'autres diront un fulgurant coup de chaud, par les déclarations dégoulinantes de sentimentalité que vient de lancer Rama Yade, secrétaire d'Etat aux Droits de l'Homme à l'encontre de Nicolas Sarkozy. Lorsque parlant du président de la République avec qui les relations traversent une zone tendue et perturbée, la jeune et unique ministre noire du gouvernement décrit cette relation de cette manière très personnelle: «il y a des péripéties dans la vie politique. Mais est-ce que ça veut dire qu'on ne s'aime pas ? Si ! Vous avez sans doute un mari avec qui vous vous disputez de temps en temps, des enfants avec qui, de temps en temps, vous avez des bisbilles. Après, votre relation, elle est éprouvée, mais elle est renforcée. Et donc... » Et lorsque son interlocuteur lui affirmait que la meilleure preuve d'amour aurait été d'accepter la proposition de Nicolas Sarkozy de diriger la liste UMP de l'Ile-de-France pour les européennes de juin prochain, elle répondit avec un tact assuré: «Il y a tellement de preuves d'amour qu'on peut trouver et imaginer, et j'y travaille, je vous rassure». Les âmes charitables et un brin moqueur peuvent toujours conseiller à Rama Yade de doser son langage, les preuves d'amour étant un domaine exclusivement réservé à Carla Bruni Sarkozy. Il faut rappeler que Rama Yade avait crânement refusé une tête de liste UMP et un siège de député à Bruxelles arguant qu'elle voulait faire sa carrière politique dans l'Hexagone, cachant à peine son irrésistible envie de briguer un mandat à l'imprenable, en tout cas pour ses semblables, Palais Bourbon. Nicolas Sarkozy en prit un foudroyant ombrage de voir sa créature se rebeller ouvertement contre lui. Il ne rata aucune occasion de distiller son amertume. Et malgré de nombreux gestes, boîtes de chocolat caramélisé et mots doux enrobés, pour calmer le courroux du parrain, Nicolas Sarkozy ne décolère pas, jusqu'à ce qu'une rencontre en tête-à-tête, juste après un Conseil des ministre, que Rama Yade avait fiévreusement demandé à Claude Guéant, secrétaire général de l'Elysée, qu'il finisse par aplatir le différend et chasse les démons boudeurs. Nicolas Sarkozy profita de son émission «Face à la crise» pour dissiper définitivement la brouille: «Amertume, rancune, ça ne fait pas partie de mon vocabulaire (…) Je trouvais que c'était dommage qu'elle ne joue pas cette carte ( de l'élection européenne) (…) Je crois qu'elle-même a bien compris qu'elle avait eu tort, mais maintenant il y a bien d'autres choses à faire et je suis sûr que je pourrai compter sur son travail et son talent». C'est qu'entre-temps, profitant des démêlés de Bernard Kouchner, son ministre de tutelle, avec la France-Afrique, la morale et l'argent, Rama Yade a pris la tête du classement des personnalités politiques préférées des Français avec 60% des bonnes opinions dans le dernier baromètre Ipsos/ Le Point. Ce qui est loin d'être négligeable pour une ministre benjamine du gouvernement issue des minorités. Toute heureuse d'avoir pris sa revanche contre Bernard Kouchner qui contestait l'utilité de son secrétariat d'Etat aux Droits de l'Homme, Rama Yade joue pourtant les modestes : «Ce n'est qu'un sondage (…) C'est peut être la marque d'un attachement aux Droits de l'Homme. Cela ne me donne aucun droit particulier. Seulement des devoirs». En attendant la fabrication de ces preuves d'amour censées garantir un retour d'affection présidentielle définitif, Rama Yade continue de jouer les poils à gratter sur deux sujets brûlants. Le premier est la crise sociale et économique des Antilles où son diagnostic ne va pas faire tomber la pression: «C'est vrai que là-bas, il y a un lourd malaise dû à la cherté de la vie, au niveau du pouvoir d'achat, et, au-delà, à un problème de répartition des richesses (…) (qui exacerbe) les tensions à l'égard de la minorité blanche…On ne peut pas avoir une société à deux vitesses en Guadeloupe, ni en Martinique, ni à la Réunion». Le second sujet d'actualité sur lequel Rama Yade ajoute son grain de sel est la politique de délation encouragée par Eric Besson à l'égard des clandestins qui dénoncent leurs filières en échange de papiers de résidence. Sans remettre en cause l'esprit de cette politique, elle se permet un conseil d'une étrange saveur : «Il faut faire très attention à ce que ceux qui prennent le risque de dénoncer des passeurs ne se trouvent dans une situation où ils risquent leur vie».