La décision de Sarkozy de se séparer de Rama Yade n'en devient que plus douloureuse. Elle doit sérieusement réfléchir à organiser sa sortie. Signe de la grande gloire atteinte par la jeune Rama Yade, secrétaire d'Etat aux Sports, dans le panthéon des soucis de Nicolas Sarkozy, c'est quand la chronique politique s'amuse avec un zeste de sadisme à dresser la liste des malheurs du président de la République, la «complication» nommée Rama Yade arrive en excellente position. Et pour cause, là où elle est, au sein du gouvernement, avec Bernard Kouchner au ministère des Affaires étrangères ou avec Roselyne Bachelot à la Santé et Sport, comme au sein de l'architecture électorale UMP de l'Ile-de-France et sa réticence de subir un parachutage ethnique au Val d'Oise, Rama Yade ne peut s'empêcher, par tempérament ou par calcul politique, de faire des étincelles. Pour Sarkozy, l'affaire est suffisamment grave pour nécessiter que son service de communication dépêche dans les dîners en ville des éclaireurs pour disséminer l'humeur présidentielle. Et elle est tranchante comme le laissent voir les confidences des conseillers du président faites aux journalistes: «C'est Sarkozy qui a trouvé et promu Rama Yade mais il constate aujourd'hui sa difficulté à s'insérer dans une équipe quelle qu'elle soit (…) C'est une affaire sérieuse, le gouvernement de la France, ce n'est pas une affaire de caprice (…) il y a un moment donné où il faut travailler en équipe ou alors, ce n'est pas possible». Signe supplémentaire que l'affaire Rama Yade est grave et que son étoile a sérieusement pâli. François Fillon d'habitude si discret et si effacé, participe avec une jubilation non dissimulée à l'exécution générale de Rama Yade : «On ne peut pas être au gouvernement et en opposition avec la ligne du gouvernement», lance-t-il péremptoire. Ceux qui ont lu l'humeur présidentielle et les déclarations du Premier ministre savent très bien que les jours du soldat rebelle Rama Yade sont comptés. Et la question qui triture les esprits n'est pas de savoir si Rama Yade va pouvoir résister au remaniement ministériel prévu au lendemain des élections régionales de mars 2010, mais de savoir dans quelles conditions politiques elle va devoir tenir jusqu'à cette échéance. La gauche a flairé tout le potentiel à tirer de ce vent de rébellion en la personne de Rama Yade, qui secoue, à mi-mandat la gouvernance de Sarkozy. Dans une démarche qui peut s'apparenter à une plaisanterie de potache mais qui n'en est pas une, Michèle Sabban, la vice-présidente du PS pour la région Ile-de-France où se déroule un combat électoral de titans entre la gauche et la droite, fait une étrange proposition à Rama Yade: «Comme l'UMP ne veut pas d'elle, on est prêt à lui accorder le droit d'asile (…) on lui fait même la proposition de prendre la tête de liste PS dans les Hauts-de-Seine». Tout en niant le côté ironique d'une telle proposition, Michelle Sabban enfonce un autre clou en affirmant que Rama Yade «a des valeurs de gauche et l'esprit rebelle qui est le sien confirme ce positionnement». Même si ce dessein a très peu de chances de se réaliser dans l'immédiat, Rama Yade a dû se sentir flattée par tant de sollicitudes. Etre traité de femme de gauche après avoir servi la grande période tape-à-l'œil de Sarkozy, a de quoi déconcerter. Et si jusqu'à présent elle n'a pas montré qu'elle pourrait être séduite par une ouverture à l'envers, cette sollicitation socialiste a de quoi magnétiser davantage sa valeur. La décision de Sarkozy de se séparer de Rama Yade, qu'une insolente popularité protège déjà, n'en devient que plus douloureuse. A ce stade de sa jeune carrière, Rama Yade, qui goûte aux délices croisés du collimateur de Sarkozy et de François Fillon, doit sérieusement réfléchir à organiser sa sortie. Avec ce choix cornélien, attendre d'être virée par extinction des feux ou anticiper un départ pour mieux se redéployer par la suite.