Quand Nadine Morano s'est permise de demander à Rama Yade de se taire ou de partir, elle était manifestement porteuse d'un message de l'Elysée à l'encontre d'une personnalité du gouvernement, portant haut les couleurs de la diversité S'il y avait un infime doute sur la disgrâce présidentielle qui frappe Rama Yade, la secrétaire d'Etat aux Sports, il vient d'être levé avec une rusticité toute particulière par Nadine Morano, secrétaire d'Etat à la Famille, baptisée par ses amis «la Madame sans gêne du gouvernement» à cause de son langage fleuri et sa démarche nonchalante. Elle vient tout simplement et à la surprise générale d'adresser un avertissement publique à Rama Yade sur le ton: «Quand on n'est pas d'accord avec la politique menée par le gouvernement, c'est simple, ou on ferme sa gueule ou on démissionne». L'étincelle du délit est la prise de position de Rama Yade qui contredit celle de sa ministre de tutelle Roselyne Bachelot sur la suppression d'un avantage fiscal pour les sportifs. Face à ce violent tacle de Nadine Morano, la chronique politique s'attendait à un savoureux crêpage de chignons. Rama Yade l'a joué avec une certaine hauteur : «Je dis simplement que répondre, ce serait descendre à un niveau très bas, et je ne veux pas». Nadine Morano est suffisamment proche de Nicolas Sarkozy pour conclure, sans risque de se tromper, que ce genre de déclarations ne fait pas partie d'une libre inspiration du moment ou d'une improvisation de dernière minute. Quand elle s'est permise de demander à Rama Yade de se taire ou de partir, elle était manifestement en service commandé, porteuse d'un message de l'Elysée à l'encontre d'une personnalité du gouvernement, portant haut les couleurs de la diversité et campant le rôle tant envié de la personnalité politique préférée des Français. Preuve supplémentaire que l'attaque de Nadine Morano contre Rama Yade est coordonnée par la prise de position d'un autre proche de Nicolas Sarkozy, Frédéric et son tacle : «Quand on est membre d'un gouvernement (...), on est contraint à un minimum de solidarité gouvernementale». Forte de ce statut particulier, Rama Yade a voulu jouer sa propre partition. Sur de nombreux sujets, elle s'était démarquée de la discipline imposée par Nicolas Sarkozy à ses troupes. Des couacs diplomatiques qui datent de sa période de secrétaire d'Etat aux droits de l'Homme, en passant par son refus de prendre la tête de liste des européennes, de l'affaire Fréderic Mitterrand, puis celle de Jean Sarkozy à l'égard desquelles elle a exprimé sa propre originalité face à l'unanimité gouvernementale. Rama Yade s'est construite un personnage de rebelle qui ose enfoncer les portes interdites et franchir les lignes jaunes. Un personnage si marqué et si présent dans l'actualité que sa marionnette vient de faire son entrée dans le théâtre politique des Guignols, l'émission politique satirique de Canal+ à laquelle on prête un pouvoir d'influence de plus en plus grand dans la formation des opinions. En plus des nombreux dysfonctionnements que connaît sa majorité, Nicolas Sarkozy a un vrai problème qui s'appelle Rama Yade dont il ne supporte plus la liberté de ton et l'indépendance revendiquée. L'ire présidentielle est si perceptible que son entourage laisse déjà répandre comme une rumeur confirmée la prochaine entrée au gouvernement du nouveau député, le champion du Judo, David Douillet, au poste de secrétaire d'état aux Sports, un profil jugé plus professionnel, plus discipliné et plus docile que ne l'est actuellement cette tête brulée qu'est l'actuelle secrétaire d'état aux Sports. Rama Yade semble devoir payer pour l'ensemble de son œuvre. Pour ne pas avoir pu observer l'obéissance opportuniste de Fadela Amara, secrétaire d'Etat à la Banlieue ou la discrétion forcée de Nora Berra, secrétaire d'état aux personnes âgées, elle s'est attirée les foudres de Nicolas Sarkozy et de son équipe qui rêvent de lui faire connaître le sort peu enviable de Rachida Dati exilée à Strasbourg.