Rama Yade revendique fièrement la paternité de l'appel à la dépénalisation universelle de l'homosexualité lancé aux Nations unies. Personne ne peut dire aujourd'hui que Nicolas Sarkozy termine l'année dans les conditions d'euphorie où il l'avait commencée. Il est vrai que le spectre de la récession générale pèse lourdement sur l'humeur des Français, mais sa gouvernance fut subitement interpellée par les couacs de sa majorité. Nicolas Sarkozy s'apprête à célébrer les fêtes de fin d'années après avoir subi de nombreux affronts venus de sa propre famille politique. Les députés UMP l'ont désavoué sur le travail dominical, ne se sont mobilisés que artificiellement pour soutenir une des reformes majeures de son mandat, la suppression de la publicité de France Télévision. Et cerise indigeste sur le gâteau de cette déconfiture : il a été obligé d'ordonner le premier recul dans la dynamique de ses réformes, lorsque, craignant un Mai 68 à la grecque, il a demandé à Xavier Darcos, ministre de l'éducation, de reporter sa réforme des lycées. Mais le sujet, qui fait le plus jaser, concerne la secrétaire d'Etat au Droits de l'Homme, Rama Yade. Le sport favori des proches de Nicolas Sarkozy est de décocher le phrase la plus empoisonnée pour dire toute la disgrâce de l'Elysée à l'encontre de celle qui était encore la coqueluche et l'icône vivante de la diversité. L'histoire de ce brusque désamour entre Nicolas Sarkozy et Rama Yade est de notoriété publique. Le président de la République voulait que sa secrétaire d'Etat favorite, qu'il avait l'occasion de présenter avec à peine un zeste d'humour en disant «Ma Condi à moi», lorsque l'étoile de Condoleeza Rice était au firmament de l'administration républicaine, soit tête de liste UMP aux prochaines élections européennes de juin 2009. Rama Yade ne s'inclina pas devant l'oracle présidentiel. Mal lui en a pris. La chaîne de ses malheurs avait débuté de manière fracassante, lorsque son ministre de tutelle, Bernard Kouchner, tomba sur elle à bras raccourci, la qualifiant elle et son secrétariat d'Etat «d'erreur». Et depuis, le bal du tir à l'arc ne fut que plus destructeur. La critique fut portée à un rare niveau de violence par le député-maire de Nice, Christian Estrosi, un proche de Nicolas Sarkozy. Il ajuste son bazooka et déclenche le tir : «Elle existe parce que Nicolas Sarkozy l'a fabriquée! On fait un placement, on le fait fructifier et, au moment où on veut en tirer les bénéfices, voilà...» Rama Yade avait vite réagi à ces propos jugés «pas très honorables» avec cette pique qui crucifie une certaine approche de maquerelle de la politique : «Une femme n'est pas un investissement dont on doit tirer des bénéfices». Rama Yade qui revendique fièrement la paternité de l'appel à la dépénalisation universelle de l'homosexualité lancé aux Nations unies, dut croiser le fer avec une autre langue acidulée des proches de Nicolas Sarkozy. Nadine Morano, secrétaire d'Etat chargée de la Famille qui déploie un sens étrange de la diversité : «être issu de la diversité ne doit pas être un bouclier. (...) On n'est pas protégé parce qu'on est d'origine maghrébine ou africaine. On doit faire comme les autres, et (...) même, plus que les autres». Cette multiple exécution qui prend la forme d'un lynchage quotidien et orchestré commence à choquer par sa violence y compris dans les rangs de la majorité. Une député UMP et ancienne ministre, François Hospitalier, a pris sa plus belle plume pour dénoncer ce qu'elle appelle «l'hallali contre Rama Yade» qui avait commencé par «le dérapage verbal» de Bernard Kouchner et «le débordement totalement inconvenant de certains membres du gouvernement et de certains anciens ministres, qui tiennent des propos racistes, sexistes et diffamatoires à l'encontre de la secrétaire d'Etat aux Droits de l'Homme». Et d'exiger ce qui paraît aujourd'hui comme une mission impossible à atteindre : «Je demande que le Premier ministre et le président de la République mettent fin à cette polémique dégradante pour la classe politique française et pour la majorité et qu'un soutien sans équivoque soit apporté au plus haut niveau à Rama Yade». Selon «Le Canard enchaîné», Rama Yade aurait adressé une boîte de chocolat à Nicolas Sarkozy avec ces mots : «Vous m'avez tout donné en politique, je n'avais pas le droit de vous décevoir». Mais Rama Yade implore un pardon sans changer de positon puisqu'elle maintient ses choix qui ont tant énervé Nicolas Sarkozy : «Je me suis dit qu'avant d'aller à Bruxelles, il me fallait avoir plus d'expérience politique en France et donc briguer avant un mandat national».