Bernard Kouchner affirme avoir eu tort de demander au président Nicolas Sarkozy de créer le secrétariat d'Etat aux droits de l'Homme. Ce fut un des aveux les plus tonitruants du moment. Le ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner, dit clairement regretter avoir demandé à Nicolas Sarkozy la création d'un secrétariat d'Etat aux droits de l'Homme. L'aveu est d'autant plus retentissant qu'il coïncide avec le soixantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'Homme. Les mots et le ton choisis indiquent clairement qu'il ne s'agit nullement d'une langue qui a fourchu : «Je pense que j'ai eu tort de demander un secrétariat d'Etat aux droits de l'Homme. C'est une erreur (…) Il y a contradiction permanente entre les droits de l'Homme et la politique étrangère d'un Etat, même en France». Avant d'enfoncer le clou et d'alimenter un vif débat en affirmant que «l'important, c'est d'agir (tout en sachant) qu'on ne peut pas diriger la politique extérieure d'un pays uniquement en fonction des droits de l'Homme. Diriger un pays, éloigne évidemment d'un certain angélisme». Le poste remis en question est actuellement occupé par Rama Yade, une des trois femmes politiques, fruits de l'ouverture ethnique initiée par Nicolas Sarkozy, avec Rachida Dati à la Justice et Fadela Amara à la Banlieue. Profitant de cet anniversaire célébré au Palais de Chaillot, Rama Yade avait tenté de dresser un bilan de son action pour bien montrer l'importance de sa tâche : «En dix-huit mois, j'ai fait beaucoup de choses. J'ai par exemple fait adopter par l'Union européenne un projet de lignes directrices contre les violences faites aux femmes(…) J'ai également fait rallier dix-sept pays à la cause des enfants soldats pour que des mesures concrètes y soient prises contre leur recrutement (…) A la fin du mois, je vais lancer à l'ONU un appel universel pour la dépénalisation de l'homosexualité. Une soixantaine d'Etats vont nous rejoindre (…) Tous ces chantiers en si peu de temps ont permis à la France de montrer son rôle leader sur la question des droits de l'Homme et d'être suivie par d'autres Etats». Rama Yade, qu'on a vu envahir tous les plateaux de télévision avec une insatiable gourmandise depuis l'élection de Barak Obama à la Maison-Blanche, ne parle pas comme «une erreur» ou un accident de parcours. Il est de notoriété publique que ses relations avec Bernard Kouchner n'ont jamais été au beau fixe. Au sein de ce couple contre nature, la confrontation et la compétition étaient inévitables. Le choc de deux egos, l'un résistant héroïquement à l'usure du temps, l'autre profitant d'une conjoncture favorable pour éclore. L'aveu de Bernard Kouchner sur le secrétariat des droits de l'Homme intervient aussi à un moment où la presse française fait état d'une dégradation remarquée dans les relations entre Rama Yade et Nicolas Sarkozy. Alors que tout indiquait que les prestations de Rama Yade, même les plus politiquement incorrectes, trouvaient une bienveillance compréhensive à l'Elysée, les relations semblent tendues aujourd'hui. Objet de cette tension, le refus de Rama Yade de mener une liste de l'UMP aux élections européennes de juin 2009, comme le souhaite ardemment Nicolas Sarkozy. Elle argumente ce refus : «Je suis très honorée de cette proposition, mais je suis davantage motivée par un mandat national (…). Je veux aller où je suis utile. Je ne veux pas être là juste pour occuper une fonction…». Conséquence de cette mauvaise humeur présidentielle, Rama Yade a été exclue du poste de secrétaire d'Etat aux Affaires européennes libéré le 15 décembre par Jean-Pierre Jouyet appelé à présider l'autorité des marchés financiers (AMF). Ironie de l'histoire, ce poste reviendra sans aucun doute à Bruno Le Maire, ancien directeur de cabinet du Premier ministre Dominique de Villepin de 2005 à 2007, auteur d'un livre- mémoire bourré de révélations sur les dernières années de Jacques Chirac et les relations particulières entre Nicolas Sarkozy et Dominique de Villepin intitulé «Des hommes d'Etat», chez Grasset. Le cas Rama Yade et sa rébellion apparente contre la volonté de l'Elysée semble en tout cas suffisamment grave pour exiger l'intervention et le commentaire quelque peu menaçant d'un proche du président, le ministre chargé des relations avec le Parlement Roger Karoutchi : «Lorsqu'on fait partie de l'équipe du président de la République, lorsqu'on a été choisie par le président de la République, si dans la stratégie politique pour conduire des batailles on a besoin de vous, il faut y aller (…) Si le président de la République le lui demande vraiment, à mon sens il faut qu'elle accepte d'y aller».