Le refus de Yade d'appliquer la consigne sous prétexte qu'elle «condamne le parachutage ethnique» comme elle l'avait répliqué non sans panache, venait de compliquer davantage un rapport déjà difficile avec Sarkozy. C'est une partie extrêmement sensible, un épisode politiquement tendu qui vient de connaître, dans un silence retenu, un épilogue provisoire. Celui qui opposait depuis de longues semaines Rama Yade, la jeune secrétaire d'Etat aux Sports, à la hiérarchie de l'UMP et à Nicolas Sarkozy. Les barons de la majorité présidentielle qui concoctaient en douce l'architecture de la carte de la droite pour les élections régionales de mars prochain, avaient décidé de parachuter Rama Yade dans le département du Val-d'Oise alors qu'elle avait manifesté le désir de concourir dans le département des Hauts-de-Seine où elle est élue aux municipales dans la ville socialiste de Colombes. Tout indiquait que l'oracle qui avait décidé d'envoyer Rama Yade dans le Val-d'Oise était d'inspiration élyséenne. La meilleure preuve de cette paternité est à trouver dans le déchaînement des proches de Nicolas Sarkozy contre Rama Yade et qui était d'une violence inédite. Avec un soupçon de condescendance comme le laisse transpirer une personnalité de l'UMP : «Rama Yade dans le Val-d'Oise sera bien plus couleur locale que dans les Hauts-de-Seine». Quand certains l'accusaient publiquement de ne pas jouer collectif, de trahir ouvertement sa famille politique, d'autres lui conseillent de «fermer sa gueule» ou de démissionner. Le refus de Rama Yade d'appliquer la consigne sous prétexte qu'elle «condamne le parachutage ethnique» comme elle l'avait répliqué non sans panache, venait de compliquer davantage un rapport déjà difficile avec Nicolas Sarkozy. Le président de la République qui, dans une autre époque, avait l'occasion de la présenter, mi-fier mi-taquin, comme sa «Condoleezza Rice», à lui, lui en voulait déjà beaucoup. Son ire à son égard s'est enflammée le jour où, contre toute attente, la benjamine du gouvernement ose refuser l'offre royale de conduire la tête de liste UMP en Ile-de-France pour les élections européennes. Cette rébellion ouverte contre le président de la République était à l'origine de sa dégradation du secrétariat aux Droits de l'Homme sous la tutelle de Bernard Kouchner à celui du Sport sous celle de Roselyne Bachelot. D'ailleurs, Rama Yade ne devait ce strapontin qu'à l'incapacité manifeste pour Nicolas Sarkozy de se débarrasser d'un coup de deux icônes de la diversité, après le renvoi sans ménagement de Rachida Dati du ministère de la Justice au Parlement de Strasbourg. Après son baptême de feu européen qui l'a vu refuser publiquement une volonté présidentielle, son épreuve régionale, allait en principe l'achever. Et ce qui a compliqué davantage la situation c'est qu'entre ces deux grandes parenthèses électorales, Rama Yade a fait montre d'une indépendance de parole et d'une liberté de critique assez rares dans les rangs du gouvernement. Elle l'a montré dans l'affaire de Frédéric Mitterrand accusé de faire l'apologie du tourisme sexuel, dans l'affaire de Jean Sarkozy soupçonné de népotisme et de favoritisme. Même si sous la pression de son service de communication, il lui arrivait souvent de renier ces critiques, il n'en demeure pas moins qu'avec ses sorties à contre-courant, elle avait largement participé à la culture d'ulcères dans sa majorité. Aujourd'hui, une fois que la décision a été prise par Nicolas Sarkozy de la maintenir dans le département des Hauts-de-Seine, l'ensemble de la machine qui s'était investi dans le dessein contraire fait une crispante marche arrière. La ministre de l'Enseignement supérieur et tête de liste UMP en Ile-de-France, Valérie Pécresse, a eu cet enrobage difficile qui en dit long sur la manœuvre et la couleuvre : «Nous sommes tous d'accord pour dire que c'est plus cohérent pour Rama Yade d'aller dans les Hauts-de-Seine. J'avais proposé à Rama Yade d'être tête de liste dans le Val-d'Oise. Pourquoi ? Parce que je souhaitais une tête de liste pour Rama».