Alors que l'ensemble de l'exécutif politique hésitait à réagir à la crise de «L'Arche de Zoé», la secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères chargée des droits de l'Homme, Rama Yade, s'est fait remarquer par sa vision tranchante. Quand le président Nicolas Sarkozy avait choisi d'intégrer au sein du gouvernement de François Fillon la française d'origine sénégalaise Rama Yade au poste de secrétaire d'Etat aux Affaire étrangères chargée des droits de l'Homme, nombreux étaient ceux qui voyaient dans cette démarche une volonté clinquante d'instrumentaliser l'ouverture ethnique qui avait si longtemps hanté la gauche. Et quand l'artisan de cette ouverture avait mis la jeune Rama Yade sous la coupe d'un ministre des Affaires étrangères à l'ego cannibale comme Bernard Kouchner, la conviction était profondément installée d'un jeu de dupes avéré autour de la supposée mixité ethnique et politique. La jeune Rama, jolie comme une adolescente, bavarde comme une débutante, devait servir de faire valoir à la nouvelle ère politique inaugurée par un Sarkozy triomphal au point de se payer le luxe de ne pas jouer les sectaires. La crise de l'Arche de Zoé lui a permis de creuser un sillon difficile à oublier. Alors que l'ensemble de l'exécutif politique a fait preuve, au tout début de cette crise, d'une hésitation coupable, c'est Rama Yade qui a été chargée de monter au créneau. Elle a surpris par son bagout et étonné par sa vive dynamique. Son assourdissant «C'est fini, l'Afrique de papa» devant les députés résonnait comme un coup de cravache provocateur. Sur cette affaire et alors qu'elle doit livrer son témoignage demain mardi devant l'Assemblée nationale, elle continue d'avoir une vison tranchante de la situation : «Je suis effarée de la légèreté avec laquelle certains ont cru pouvoir s'affranchir des règles de droit international, national, et de l'environnement culturel et familial de ces enfants (…) Ce n'est pas parce qu'on est convaincu qu'on peut sauver un enfant qu'on peut s'affranchir de ses droits les plus élémentaires». Rama Yade n'est pas à son premier coup d'éclat. En septembre dernier, alors que la justice française avait rendu une décision sur le sort des SDF dans un squat à Aubervilliers, Rama Yade débarque sans crier gare, après avoir alerté les télévisions et conteste publiquement le sort réservé à ses squatteurs. Elle crée la surprise et une gêne gouvernementale certaine en affichant publiquement un désaccord avec une décision de justice. Ce fut le premier acte d'affirmation politique pour Rama Yade. L'histoire retiendra que François Fillon l'a officiellement grondée dans une de ces rares occasions où la solidarité gouvernementale était publiquement menacée. Les observateurs ont toutefois noté son étrange silence sur le grand débat qui a secoué les politiques et les associatifs sur le nécessité de recourir au test ADN dans l'arsenal sur l'immigration que présente Brice Hortefeux. Sa première visite au Darfour le 23 octobre dernier fut l'occasion d'un autre éclat. Après avoir affirmé droite dans ses tailleurs «Je considère que la crise au Darfour est une priorité pour la politique étrangère française», elle casse, avec une rafraîchissante désinvolture, le protocole officiel lorsqu'elle découvre le comité d'accueil local composé de chants et de danses. Rama Yade les remballe sèchement : «On est là pour les victimes et les déplacés, on n'est pas là pour faire un spectacle (…) les bateaux, les tam-tams, ça suffit. On s'en va !». Celle que Nicolas Sarkozy appelle fièrement sa «Condi Rice» s'est imposée au fil de cette crise comme un véritable interlocuteur des médias et des politiques sur un des grands scandales «humanitaires» de ces dernières années. Son volontarisme, loin de déplaire, a donné un véritable coup de vieux à Bernard Kouchner. Le ministre des Affaires étrangères n'a eu comme planche de salut que la mise en valeur de la cellule du Quai d'Orsay pilotée par Rama Yade. Elle s'apprête à faire grincer les dents et à élargir les cercles de détracteurs en annonçant sa volonté de se présenter aux élections municipales à Colombes, sa ville adoptive, dans les Hauts-de-Seine. De nombreux portraitistes de Rama Yade dont «le Canard Enchaîné» font état des mauvaises relations qu'elle entretient avec l'autre symbole de l'ouverture Rachida Dati. Au point que les «deux joyeuses de la couronne» comme les appelle le journal satirique du mercredi, ne s'adressent plus la parole.