Rama Yade a créé l'événement en invitant le monde politique à ne pas donner l'impression de favoriser les puissants au détriment des petits. Malgré ses rétropédalages médiatiques et ses dénégations tactiques, Rama Yade, la jeune secrétaire d'Etat aux Sports dans l'équipe de François Fillon aura été la seule voix officielle à se distinguer du concert de louanges et de critiques qui avait accueilli la décision de Sarkozy de nommer son fils cadet Jean à la tête l'établissement public d'aménagement de la défense (Epad) et l'unique personnalité officielle à avoir tiré la sonnette d'alarme sur les conséquences néfastes qu'une succession d'affaires et de scandales peut provoquer dans l'opinion. Nicolas Sarkozy avait misé sur une solidarité gouvernementale sans failles pour démontrer le bien-fondé de sa décision et la mauvaise foi de ses détracteurs. Tous les ministres sont montés au créneau pour dire tout le bien qu'ils pensent de ce talentueux jeune qu'est Jean Sarkozy, la nécessité de ne pas lui barrer le chemin de son ascension au prétexte qu'il porte un illustre patronyme. Tous ont essayé de conjuguer le ton de leur indignation, quitte à friser le ridicule comme l'a involontairement montré le porte-parole du gouvernement Luc Chatel et sa célèbre saillie: «Voulons-nous interdire à quelqu'un de par son nom tel ou tel mandat? Nous sommes en République». Tous ont essayé de jouer la solidarité avec Sarkozy qui affronte en cette période une séquence lourde avec une accumulation d'affaires sensibles, Mitterrand, Polanski, Jean Sarkozy. Tous sauf une : Rama Yade. Elle crée le véritable événement lorsqu'elle dégaine sa petite phrase invitant le monde politique à ne pas donner l'impression de favoriser «les puissants» au détriment «des petits»: «Il ne faut pas donner le sentiment qu'il y a une coupure entre des élites, qui se protégeraient, pour lesquelles il y a une justice des puissants, et puis des petits, pour lesquels la justice est sévère». La parole de Rama Yade a été amplifiée car elle n'est pas que secrétaire d'Etat aux Sports. Elle est, non seulement personnalité préférée des Français selon les derniers baromètres, mais aussi porte-parole de la tête de liste UMP pour les élections régionales en Ile-de-France Valérie Pécresse. Dès que Rama Yade a opéré sa sortie sur le climat délétère qui risque de provoquer un divorce en politique, nombreux sont ceux qui ont cru y déceler un halo d'aigreur et d'amertume à l'encontre de Sarkozy. Entre Rama et Nicolas, rien ne va plus depuis que la fougueuse secrétaire d'Etat au Droits de l'Homme qu'était Rama Yade, avait refusé à la demande explicite du président de la République de diriger la liste UMP en Ile-de-France lors de l'élection européenne. Ce refus effronté et plein de morgue avait fait entrer Sarkozy dans une colère noire. Elle fut dégradée du prestigieux et visible poste gouvernemental des droits de l'Homme à celui, technique et gestionnaire, des sports. Et la seule raison qui semblait l'avoir empêché de renvoyer Rama Yade à son anonymat fut sa décision déjà programmée de se séparer d'une autre icône de la diversité, Rachida Dati. Il faut dire que mettre Rachida et Rama dans une même charrette d'expulsion hors du gouvernement aurait porté un coup fatal à l'ensemble de l'architecture d'ouverture qu'il avait patiemment tissée et sur laquelle il avait misé toute sa fortune politique. Même si Rama Yade, sur les conseils avisés de son entourage, a essayé d'accuser certains médias d'avoir instrumentalisé ses propos, il n'empêche qu'avec sa posture, elle campe malgré elle le statut d'une voix discordante au sein du gouvernement. N'étant pas une femme de réseau, nommée à ces postes par la simple volonté de Nicolas Sarkozy, sa popularité excessive pourra-t-elle la protéger d'une vengeance présidentielle programmée à la veille d'un remaniement gouvernemental qu'on dit de plus en plus inévitable ?