En l'espace de quelques jours, François Fillon est monté deux fois au créneau pour dire toute son hostilité au choix préconisé par Rachida Dati. S'il a été établi depuis longtemps que le Premier ministre, François Fillon, et la ministre de la justice Rachida Dati n'entretenaient pas des relations de meilleure camaraderie gouvernementale, la violence avec laquelle le premier vient de s'opposer à la seconde sur des sujets explosifs, montre l'ampleur du fossé qui les sépare et la tension qui caractérise leurs relations. En l'espace de quelques jours, François Fillon est monté deux fois au créneau pour dire toute son hostilité au choix préconisé par Rachida Dati. La première, c'était pour apporter sa participation à l'indignation générale qu'avaient suscitée les conditions d'interpellation de l'ancien directeur du journal «Libération» Vittorio de Filippis. Ce fut lors du moment extrêmement solennel que procurent les questions d'actualité au gouvernement à l'Assemblée nationale : «Comme vous, comme beaucoup de Français, j'ai été choqué par les conditions dans lesquelles M. de Filippis a été interpellé (…) Je veux qu'à l'occasion de cette affaire, nous puissions ensemble en tirer toutes les conséquences pour améliorer le fonctionnement de notre justice». Il venait, après Nicolas Sarkozy, d'apporter un cinglant désaveu à la garde des Sceaux, Rachida Dati, qui, en pleine tempête médiatique, fanfaronnait devant les caméras de télévisions : «un citoyen qui ne diffère pas aux convocations, on lui envoie un mandat d'amener». Le second sujet sur lequel François Fillon a porté une contradiction frontale à Rachida Dati au risque de la faire passer pour une liberticide patentée, fut la réforme de la justice des mineurs. Tandis que la Garde des Sceaux fait part de ses préférences en la matière : «Dire qu'un mineur d'aujourd'hui peut justifier une sanction pénale à partir de 12 ans me semble correspondre au bon sens», François Fillon y va de sa logique d'opposition et de désaveu : «Je crois qu'il faut que les choses soient très très claires: je suis totalement hostile à ce que l'on mette en prison des enfants de 12 ans et le gouvernement n'a pas de projet pour modifier la législation en ce sens». Devant autant de lucidité et de détermination dans sa dénonciation des postions de Rachida Dati de la part d'un Premier ministre qui avait surtout brillé par un autisme politique aggravé par une sciatique carabinée, la ministre de la Jstice se contente d'avaler les couleuvres et de prendre acte d'un climat général de désaffection à son égard. Pourtant, François Fillon et Rachida Dati avaient toutes les raisons de s'entendre et de coordonner leurs déclarations et leurs approches. Tous les deux subissent un marginalisation commune de la part de l'Elysée et n'ont jamais fait partie de ce fameux G7, le groupe des sept ministres, et secrétaires d'Etat qui se réunissent régulièrement comme un Task Force autour de Nicolas Sarkozy. Au moment où le changement gouvernemental approche avec la fin de la présidence française de l'Union européenne, très peu sont les commentateurs qui misent sur une possible survie de Rachida Dati au prochain remaniement. En plus d'une maternité qui pourrait servir de prétexte à un éloignement provisoire, multiples sont les raisons qui annoncent une inévitable disgrâce, parmi lesquelles on trouve la perte du parapluie élyséen. Nicolas Sarkozy qui a longtemps joué le rôle de protecteur de Rachida Dati, ne semble pas disponible à aller au charbon pour la soutenir et le défendre. Sans aucun doute échaudé par les relations exécrables que la ministre de la Justice a fini par avoir avec le Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Rachida Dati qui vient encore une fois de changer de directeur de cabinet avec l'arrivée de François Séners en remplacement de Patrick Gérard qui lui-même avait remplacé Michel Dobkine, démissionnaire, pourra toujours se consoler en sachant que son prestigieux maroquin ne reviendra pas à Patrick Devedjian qui vient d'être nommé ministre de la Relance économique. Patrick Devedjian avait été parmi ceux qui avaient lorgné avec le plus grand appétit sur le ministère de la Justice et ceux qui avaient le plus dénoncé sourdement le choix de Rachida Dati à ce poste.