François Fillon semblait se complaire dans son anonymat avec une souffrance devenue plaisir jusqu'à usurper le titre de Premier ministre qui ne s'use jamais. Revoilà François Fillon dans un meeting électoral à haranguer les fidèles et à cogner sur les adversaires. Le Premier ministre transparent que Nicolas Sarkozy avait donné à la France n'était plus visible ni audible depuis longtemps. Il semblait se complaire dans son anonymat avec une souffrance devenue plaisir jusqu'à usurper le titre de Premier ministre qui ne s'use jamais. François Fillon résiste à l'usure du temps. Son épiderme politique n'est pas exposé au soleil. Cette parenthèse vient de se terminer avec le début de la campagne des élections européennes. L'UMP, le parti de la majorité présidentielle, entre dans la campagne à cloche-pied. D'abord à cause des couacs de certaines de ses têtes de liste. Le très original attelage entre Michel Barnier et Rachida Dati fait plus parler de lui dans la rubrique «bourdes et ratages» que dans celle des belles convictions européennes biens exprimées. Ensuite, parce que le parti du président n'a pas encore finalisé ses listes définitives. Ce qui donne une terrible impression d'improvisation forcenée devant laquelle un homme comme Xavier Bertrand, secrétaire général de l'UMP, a du mal à garder son sang-froid. Cette situation aussi floue qu'incertaine n'a pas empêché le Premier ministre François Fillon de monter en première ligne pour lancer la campagne de l'UMP. L'homme a retrouvé les intonations et les postures qu'étaient les siennes lorsque croyant apporter une caution de gaullisme social, il s'était associé à Nicolas Sarkozy pour marcher sur l'Elysée. Son implication dans ces européennes n'est pas un choix délibéré. Elle lui est imposée par deux facteurs politiques essentiels. Le premier est que Nicolas Sarkozy lui même a décidé de mouiller sa chemise dans ces élections, en quittant de temps à autre son habit de président de la République au profit de chef de la majorité. Le second facteur est que la campagne se fera sur le bilan de l'exécutif actuel. Fidèle à une réputation bien installée, François Fillon n'est vivant et percutant que lorsqu'il lance ses attaques en direction de l'opposition socialiste. Sa tête de Turc du moment est la première secrétaire du PS : «j'ai parcouru la récente intervention de Martine Aubry prononcée lors du lancement de sa campagne européenne, la moitié de son discours est consacré au président de la République et au gouvernement».Et François Fillon de lancer une invitation aux Français «d'ignorer ce flot de critiques qui masque le vide sidéral des propositions alternatives du PS sur l'Europe». Ce à quoi Martine Aubry a répondu très pète-sec: «M. Fillon, paradoxalement, n'a fait que défendre le discours de Nicolas Sarkozy tout en nous contestant d'en apporter quelque critique et n'a pas dit un mot sur l'Europe qu'il veut construire». La campagne de l'UMP, placée sous le slogan «Quand l'Europe veut, l'Europe peut», se fait sur le bilan de la présidence française de l'Union européenne. Ses candidats pourront toujours se prévaloir du volontarisme politique de Nicolas Sarkozy en citant sa dernière performance d'avoir pu réaliser une vieille promesse de Jacques Chirac, à savoir réduire à 5,5% le taux de la TVA sur la restauration. Et c'est encore François Fillon, en élève dévoué au maître, qui a voulu incarner le meilleur avocat de l'action de Nicolas Sarkozy : «Sous sa direction exceptionnelle, j'ai vu l'Europe se dresser et prendre ses responsabilités» allusion aux négociations pour arrêter la guerre entre la Russie et la Géorgie. Je l'ai vu éviter un désastre financier mondial» en référence au G20. Dans ces élections européennes, François Fillon, sans doute plus que quiconque, joue une partie serrée. Si les résultats du scrutin du 7 juin confirment la tendance bienveillante actuelle des sondages à l'égard de l'UMP, François Fillon pourra sortir par le haut et pourra programmer un redéploiement efficace et même, qui sait, envisager de rempiler à Matignon et pouvoir battre des records de durée de vie de Premier ministre. Mais dans l'hypothèse d'une bérézina, Nicolas Sarkozy, qui se trouve à mi-mandat et qui n'attend que l'échéance de ce scrutin pour remanier de fond en comble, pourra trancher dans le gras.