Nicolas Sarkozy et François Fillon ont fourni d'immenses efforts de communication pour distiller une image différente d'un antagonisme installé. Avec le recul, l'année 2008 aura été un calvaire pour le Premier ministre de Nicolas Sarkozy, François Fillon. Avec les meilleures volontés du monde dotées d'une lutte permanente contre toute sorte d'amnésie, il est très difficile de se souvenir d'un grand geste politique qui marque l'indépendance du personnage ou son originalité. Malheureusement pour lui, tout ce que la mémoire a pu retenir, se résume en une sciatique carabinée qui avait tracé des sillons de douleurs sur son visage, son spectaculaire accident d'avion raté qui avait fait dire aux mauvaises langues que François Fillon venait de rater le seul moment où il pouvait être percutant et ses languissantes lamentations dans les confidentiels de la presse d'avoir été tenu à l'écart du fameux G7, le groupe des ministres groupies que Nicolas Sarkozy a coopté pour semer sa pensée, diffuser son action et amplifier son humeur. Personne ne peut réellement dater avec précision le début de la détérioration de ses relations avec Nicolas Sarkozy. L'hypothèse la plus répandue la situe comme dommage collatéral de la fiévreuse parenthèse «Bling Bling». Moqué et attaqué de toutes parts, Nicolas Sarkozy n'avait pas trouvé en François Fillon le chevalier du temple ou le samouraï dévoué à sa défense. Et depuis, François Fillon était astreint à guetter les signaux pour deviner la stratégie, à décoder les petites phrases des uns et des autres pour anticiper sa mise à niveau avec l'humeur du temps et ses rythmes endiablés imposés par Nicolas Sarkozy. Il était visuellement frappant de constater que depuis de longs mois, l'alchimie qui avait fait leur triomphe pendant la campagne électorale des présidentielles, a cessé d'être un ferment de cohérence et de solidarité entre le président de la République et le Premier ministre. Les deux hommes ont fourni d'immenses efforts de communication pour distiller une image différente d'un antagonisme installé, mais la nature revenait souvent au galop pour montrer les indices d'un divorce consommé. Le pire des scénarios que certains politologues prédisaient à François Fillon lorsqu'il avait accepté Matignon, c'est qu'il risquait de se transformer en super directeur de cabinet d'un président assoiffé d'action, d'exposition et de lumières et qui veut tenir physiquement le manche du pouvoir. Mais cette prophétie restait en deçà du calvaire politique qu'allait vivre François Fillon qui, au lieu d'être au cœur de l'action gouvernementale à haranguer les foules des sympathisants et à croiser le fer avec de farouches opposants, allait observer le cours des choses dans la douleur de l'inaction et souvent avec le démoralisant sentiment d'inutilité. A tel point que les différents ministres ne se donnaient même plus la peine de cacher leur embarras quand il ne le font pas avec un plaisir vengeur, de solliciter des arbitrages directs de l'Elysée, laissant Matignon ruminer sourdement sa rancœur. Les sondages on été pour beaucoup dans l'aggravation de la disgrâce de François Fillon. Moins il s'exposait, moins il réagissait, plus sa cote de popularité atteint des sommets qui provoquent une jalousie morbide chez Nicolas Sarkozy dont la cote de popularité creusait des profondeurs de désamour. François Fillon pouvait toujours se consoler en se disant que la fonction de Premier ministre dans la cinquième République était celle du fusible pour justifier les incompétences et les erreurs du président de la République et lui donner une durée de vie supplémentaire. Mais avec lui, Matignon s'est transformé en chambre d'enregistrement et François Fillon en reine d'Angleterre souvent chargé de représenter le président dans des cérémonies épuisantes ou jugées pas assez visibles. Après avoir été le sympathique pantin aux gros sourcils de 2008, François Fillon est déjà sans conteste l'homme de l'année 2009 puisque sa libération est programmée dans quelques semaines. Soulagé, François Fillon mettra fin à une insupportable situation de divorcé vivant sous le même toit avec Nicolas Sarkozy. Les conditions de son départ, la récupération de sa liberté de parole et éventuellement son ambition politique, qu'elle soit parisienne ou nationale, fera, à n'en pas douter, de François Fillon l'homme qu'il faut suivre après avoir été celui qu'il fallait ignorer.