François Fillon se trouve sous la pression médiatique de justifier une telle bonne santé dans les sondages. Même dans sa stratégie de défense, il ne fait qu'enfoncer d'avantage Nicolas Sarkozy. La mystérieuse relation entre le président Nicolas Sarkozy et son Premier ministre François Fillon est actuellement au cœur de toutes les discussions politiques en France. Les raisons de cette centralité inattendue sont à trouver dans la fournée de sondages qui annoncent régulièrement une chute de l'indice de popularité du président Sarkozy et la flambée de la crédibilité du Premier ministre Fillon. Cette situation aurait pu être traitée comme une grippe passagère dans les enquêtes d'opinions, un faux-pas automnal qui finira son évanescence au printemps prochain si les deux hommes n'entretenaient un étroit rapport de balancier. Plus Nicolas Sarkozy baisse, plus François Fillon monte, ou plus précisément c'est parce que Nicolas Sarkozy baisse que son Premier ministre monte. Cette dépendance mécanique dans la popularité et la cote d'amour auprès des français est l'origine d'une tension manifeste entre les deux hommes. La presse française regorge d'indices sur leurs relations distanciées : plus de jogging matinal ensemble, pratique que Nicolas Sarkozy avait choisi pour étalonner le degré de sa proximité, plus de longs tête-à-tête pour marquer l'intimité politique entre les deux hommes, à l'exception de ceux qui précèdent les conseils des ministres expédiés avec hâte. La situation est si tendue et si difficile que de nombreux éditorialistes n'hésitent plus à citer des exemples de comparaison et de référence comme la relation conflictuelle qu'avait entretenue en leurs temps Jacques Chaban Delmas et Georges Pompidou ou François Mitterrand et Michel Rocard. Cette semaine , le journal « Le Figaro» s'est fait l'écho d'un étrange coup de fil passé par Nicolas Sarkozy à l'ancien chef de gouvernement de Jacques Chirac, Jean Pierre Raffarin qui venait juste de terminer une émission dans laquelle il critiquait ouvertement François Fillon. Jean Pierre Raffarin disait ceci : «Le Premier ministre dispose d'un capital de popularité qu'il ne doit pas gérer comme un épargnant mais l'investir au service de la réforme ». Dans son coup de téléphone à Jean Pierre Raffarin, Nicolas Sarkozy lui aurait fait la confidence suivante : «j'ai beaucoup apprécié ton analyse économique de la popularité ». Ce à quoi François Fillon a répondu de manière méprisante : « Il n'y a pas de capital. (...) Je ne gère pas un capital, je suis très éloigné de ces calculs et de ces formules alambiquées de communicant auxquelles d'ailleurs je n'ai jamais rien compris». Cette confidence de Jean Pierre Raffarin faisait écho à un constat publique fait par le président Sarkozy dans une récente interview au Journal «Le Parisien » et dans laquelle il lance des menaces à peine voilées sur l'avenir de son Premier ministre «La raison de continuer avec un Premier ministre ne réside pas dans les sondages mais dans la qualité du travail accompli». Cet écart dans la popularité entre le président et son Premier ministre est amplifié par le contexte électoral des municipales. Alors que tous les candidats des grandes villes sans exception fuient comme la peste la présence de tout ce qui se rapporte à Nicolas Sarkozy dans leurs meetings, tous font la queue à Matignon pour solliciter une visite de soutien de François Fillon pour venir leur donner un coup de main. Devant un tel rejet de sa propre famille politique, Nicolas Sarkozy doit ruminer sa frustration et son amertume et piaffer d'impatience d'attendre la bonne occasion pour donner un grand coup de remaniement dans la fourmilière gouvernementale. François Fillon se trouve sous la pression médiatique de justifier une telle bonne santé dans les sondages. Même dans sa stratégie de défense qui vise à coller au président de la république et à affirmer qu'il n'est que le fidèle exécutant du projet présidentiel, il ne fait qu'enfoncer d'avantage Nicolas Sarkozy en mettant, peut-être involontairement, en valeur les vraies raisons du rejet de Nicolas Sarkozy par les Français, à savoir son style et son mode de gouvernance. Une nature étant plus difficile à changer qu'un choix politique. François Fillon demeure toutefois officiellement optimiste quant à l'avenir de Nicolas Sarkozy dans les sondages : « Le président de la République, on l'a vu dans le passé, a une très très grande capacité de rebond et il sait très bien où il va (…) La capacité de rebond du président de la République, elle est dans la mise en œuvre de ses engagements (..) Prenons notre distance par rapport à ces sondages qui sont terriblement ambigus».