Nicolas Sarkozy ne parvient pas à trouver un profil qui allie docilité et soumission avec une grande capacité d'avaler les couleuvres comme François Fillon S'il y a un homme pour qui mars 2010 est une date plus que butoir, c'est bien le Premier ministre français François Fillon. Logiquement son bail devrait prendre fin. Et ce, quels que soient les résultats de ce scrutin. Une défaite du parti présidentiel précipiterait le départ. Une victoire encouragerait le changement. Logiquement les choses devraient se passer avec cette cadence. Logiquement seulement. Car en politique et par les temps qui courent, la logique a rarement été maîtresse des lieux. A voir le nombre d'occasions où Nicolas Sarkozy devrait se séparer de François Fillon, le Premier ministre aurait dû partir une dizaine de fois. Et pourtant tel une icône insubmersible, impassible devant les humeurs zigzagantes de son chef, François Fillon est toujours là, accroché avec les ongles et les gencives à son maroquin. Les raisons du divorce entre les deux hommes ne manquaient pas. Une guerre froide larvée entre deux tempéraments, le feu de l'action jaillissant de partout de Nicolas Sarkozy, le calme olympien confinant parfois à l'autisme de François Fillon, ont longtemps nourri la chronique politique. Pour justifier une telle situation qui devenait inexplicable à l'opinion, François Fillon s'était plaint publiquement que le président bridait son action et l'empêchait de s'exprimer. Nicolas Sarkozy a de son côté dépensé une grande énergie à rassurer son opinion qu'il ne vivait pas avec son Premier ministre une situation de cohabitation comme celle que François Mitterrand avait vécue avec Jacques Chirac ou comme celle que Chirac avait vécue avec Edouard Balladur. Avec ce message et cette posture de Nicolas Sarkozy qui brouillaient d'avantage le situation : le patron qui conçoit la politique, c'est moi. Celui qui l'exécute… c'est encore moi, avec mes propres relais au sein du gouvernement. L'opposition a longtemps moqué l'inertie qui frise l'inutilité dans laquelle vivait François Fillon, avant de s'en détourner sous prétexte que tirer sur les ambiances n'a jamais augmenté les butins de guerre. Etait-ce un effet d'optique ou une illusion de communication, le Premier ministre donnait cette étrange impression de souffrir dans son poste, d'être lui-même une victime de l'énergie ravageuse de Nicolas Sarkozy. Victime aussi de la chaîne hiérarchique brisée au sein de l'exécutif. A plusieurs reprises, il a perdu les arbitrages élyséens dans les conflits qui l'opposaient à ses ministres. Sur de nombreux membres du gouvernement, il ne dispose plus d'aucune once d'autorité. Et pourtant, François Fillon a un rêve éveillé qu'il a exprimé à plusieurs reprises, c'est celui de durer à Matignon un quinquennat entier. Ironie de l'histoire, ce rêve a de fortes chances de se réaliser. Et ce, pour plusieurs raisons, dont une psychologique déterminante. Nicolas Sarkozy ne parvient pas à trouver un profil qui allie docilité et soumission avec une grande capacité d'avaler les couleuvres comme François Fillon, le tout sous un vernis incontestable de professionnalisme et de maîtrise de dossiers. On lui prête cette terrible phrase : «Quand je vois les profils de ceux qui se bousculent devant Matignon, j'ai envie de garder François Fillon».