François Fillon, un look de gentleman-farmer aux sourcils pompidoliennes, une allure de notable de province calme et rassurante, spécialiste des affaires de défense, s'est imposé au point que personne n'ose l'imaginer en dehors de Matignon. S'il y a un homme qui doit se mordre les doigts d'avoir involontairement garni les rangs de Sarkozy, c'est bien le dernier Premier ministre de Jacques Chirac, Dominique de Villepin. Et une des plus grosses pertes de cette mauvaise gestion des ressources humaines de la droite chiraquienne s'appelle François Fillon, l'homme qui s'apprête à endosser l'habit de Premier ministre dans le sillage du triomphe de Nicolas Sarkozy. «En me virant, ils ont fait de moi son futur directeur de campagne» avait l'habitude de dire François Fillon, au lendemain du «Non» français à la constitution européenne, pour dater le début de cette relation politique «fusionnelle» qu'il établira en un temps record avec le nouveau maître de l'Elysée. De cette période, date aussi ce diagnostic plein de dépit : «De Chirac, on ne se souviendra de rien, sauf de mes réformes». François Fillon né le 4 mars 1954 au Mans, père de cinq enfants, un look de gentleman-farmer aux sourcils pompidoliennes, une allure de notable de province calme et rassurante, spécialiste des affaires de défense, est l'homme qui s'est imposé naturellement au sein des équipes de campagne de Sarkozy au point que personne n'ose l'imaginer en dehors de Matignon. Sa parfaite entente avec Nicolas Sarkozy, exhibée un temps avec parcimonie et hésitation, puis avec un actif engagement, jusqu'à devenir l'un de plus efficaces porte-flingues depuis le début de la campagne électorale, n'allait pas de soi, tant les deux hommes se positionnaient presque aux deux extrêmes de l'échiquier gaulliste. Tandis que le premier, François, était le chantre de ce qui a été connu sous l'appellation du «gaullisme social» dont des hommes comme Philipe Seguin, ancien ministre des Affaires sociales et de l'Emploi, illustrèrent la portée, le second, Nicolas, est connu pour son attirance pour un libéralisme thatchérien à base de méritocratie et de dérégulation de marché. Leur entente fut le fruit et la synthèse de leurs visions, à la fois si différentes mais tellement compatibles. D'ailleurs, les mauvaises langues ne résisteraient pas longtemps au plaisir de déterrer quelques perles, quelques phrases bien senties de François Fillon qui assassinaient littéralement l'ambitieux Nicolas Sarkozy quand ce dernier était l'enfant maudit, traitre et rebelle de la chiraquie encore arrogante. La preuve du trait de caractère caméléon de François Fillon avant d'opérer sa propre rupture et d'épouser l'air du temps favorable à Nicolas Sarkozy. François Fillon, que Jacques Chirac avait un jour qualifié de «gaulliste de gauche», a été l'un des rédacteurs les plus prolixes de la charte idéologique de l'UMP, le parti qu'a utilisé Nicolas Sarkozy comme rampe de lancement pour sa conquête de l'Elysée. Il est aussi l'un des grands contributeurs du programme électoral du candidat Sarkozy qui a su nettement séduire 53% des Français. Et dès que l'occasion lui est donné, François Fillon entonne un véritable hymne de Premier ministre : «Les Français ont voté pour une rupture, nous la concrétiserons ! Les Français ont voté pour le changement, nous l'engagerons ! Les Français ont voté pour des réformes, nous réformerons». Le gouvernement d'ouverture que s'apprête à diriger François Fillon fait déjà grincer les dents comme le montre cette sortie mordante d'un fidèle lieutenant de Nicolas Sarkozy, Patrick Devedjian : «Je suis pour aller très loin dans l'ouverture (...), très loin, y compris jusqu'aux «Sarkozystes». Le nouveau premier ministre aura non seulement à gérer l'armée des déçus et des amers de l'ère Sarkozy, mais aussi à se mouler dans les habits neufs du régime présidentiel que le style Sarkozy va mettre en pratique. Selon de nombreux connaisseurs des arcanes de la vie politique française, François Fillon, l'homme qui va succéder à Dominique de Villepin et à Jean-Pierre Raffarin à Matignon, a de fortes chances d'accomplir sa mission non comme un véritable Premier ministre chargé de porter l'ensemble du projet gouvernemental, mais comme un super directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy, tant est grande la propension chez le nouveau locataire de l'Elysée d'être au cœur de l'action et de la machine exécutive. Ce qui laisse présager une forte animation politique entre deux tempéraments bien marqués, unis dans la conquête du pouvoir mais pas nécessairement dans son exercice.