Malgré cette tension évidente entre les deux hommes qui confine parfois à un système de cohabitation non déclaré, ils semblent comme ligotés l'un à l'autre. Pour qu'un Premier ministre comme François Fillon, que la lumière fait fuir et que le «bling-bling» des médias fait jaser, s'invite presque de force au journal télévisé d'une grande chaîne de télévision pour dire tout le bien qu'il pense du président de la République, toute la loyauté qu'il ressent à son égard, c'est que les relations entre les deux hommes ont dû atteindre un dangereux seuil de tension et de gravité. François Fillon possède un explication à cet état de fait : «La vérité, c'est que le tandem que nous formons avec le président de la République, depuis maintenant près de trois ans, est un tandem qui surprend, et j'ai envie de dire qui dérange». François Fillon était en mission commandée : tenter par tous les moyens de dégonfler ce halo présidentiel que la presse tente de tisser autour de sa personne et qui agace royalement Nicolas Sarkozy. La tension est vive au point où comme le «Canard enchaîné» «s'est fait un malin plaisir de le rapporter, lors du récent Conseil des ministres et alors que François Fillon tentait de défendre un décret mettant fin à la tutelle du ministère de la l'Economie sur les opérations externes de la Poste et lance : qu'il ne fallait pas avoir la main qui tremble», Nicolas Sarkozy le reprend au vol avec cette phrase virile, tout juste sortie d'un comptoir de bistrot ou d'un dialogue de Michel Audiard et qui en dit long sur son agacement «Pour ce qui est des mains qui tremblent, j'ai encore de la marge». Malgré cette tension évidente entre les deux hommes qui confine parfois à un système de cohabitation non déclaré, Nicolas Sarkozy et François Fillon semblent comme ligotés l'un à l'autre. Même les mauvais résultats annoncés des régionales ne semblent pas remettre en cause leur alliance. Il est vrai que le fait d'assurer que ces régionales ne vont pas l'obliger à changer de Premier ministre est une habile façon pour Nicolas Sarkozy de ne pas accorder à ce scrutin l'impact national que l'opposition voudrait lui donner. Il prive par la même occasion ses adversaires d'une précieuse carte de mobilisation. Car si les Français sentent un instant qu'en faisant battre les listes UMP dans les régions, c'est le gouvernement à Paris qu'ils font tomber, le taux de participation, nourri par une croissante colère sociale, pourrait battre des records. Deux grandes pistes pour expliquer pour quelles raisons et malgré son agacement visible à l'encontre de François Fillon, Nicolas Sarkozy se trouve toujours dans les dispositions d'esprit de le garder encore longtemps. La première, la plus évidente, est qu'il ne parvient pas, dans sa propre famille politique à trouver une alternative d'un homme aussi politiquement docile et discipliné et aussi construit que François Fillon. N'est-il pas celui qui a un jour lancé sous forme de boutade «Quand je vois les profils de ceux qui se bousculent à Matignon, j'ai envie de garder Fillon». La seconde est que Nicolas Sarkozy ne veut pas donner l'impression que les urnes en colère ou qu'une opposition en état d'extase, lui forcent la main. Même s'il doit changer de Premier ministre le mois prochain, il est de tempérament à vouloir choisir son timing et imposer son rythme.