Avant 2012, le chef de l'Etat entend relancer son action à la faveur des élections européennes du 7 juin pour lesquelles il sait pouvoir capitaliser sur un bilan flatteur à la tête de l'UE, au second semestre 2008. Nicolas Sarkozy fête le deuxième anniversaire de son élection à la présidence de la République, rendez-vous obligé des bilans qui n'émeut pas le chef de l'Etat, que son entourage dit serein. Ses proches usent ad libitum de la métaphore marine pour le consacrer vigie et capitaine de gros temps. «Il est ‘in control', il a achevé sa mue présidentielle», estime un ministre. Pour Jérôme Fourquet, directeur adjoint du département opinion de l'Ifop, Nicolas Sarkozy «a gagné en gravité après la phase ‘bling bling de superficialité, d'activisme débridé». Bousculé par la crise économique et financière, il puiserait dans l'adversité les ressources de sa réélection en 2012. «Bien sûr qu'il y pense...», glisse un proche. Avant 2012, le chef de l'Etat entend relancer son action à la faveur des élections européennes du 7 juin pour lesquelles il sait pouvoir capitaliser sur un bilan flatteur à la tête de l'UE, au second semestre 2008. «Il a incontestablement gagné ses galons internationaux pendant la présidence», résume un diplomate français. «Ce n'est pas le même sur la scène internationale, il est cajoleur, conciliant, alors qu'au plan national, il cherche aisément la petite bête», note un autre. Crise géorgienne, coordination des politiques économiques européennes, croisade pour la «moralisation» du capitalisme, relance du moteur franco-allemand après les ratés initiaux : les succès de Nicolas Sarkozy sur le terrain diplomatique soulignent paradoxalement ses ratés sur le plan intérieur. «Il a coutume de dire qu''il faut aller au devant des emmerdements, sinon les emmerdements viennent vers vous' : il a dû s'adapter», commente un membre du gouvernement. Nicolas Sarkozy a été contraint à des révisions déchirantes face à la lame de fond de la crise, esquivant sous le poids des circonstances plusieurs de ses promesses de campagne. Le «travailler plus pour gagner plus» ne s'est toujours pas traduit dans les faits. Le «président du pouvoir d'achat» se voit en outre reprocher, jusqu'au sein de sa majorité, le bien-fondé de ses premières mesures économiques, comme le «bouclier fiscal», et a dû renoncer à la réduction des prélèvements obligatoires. Plus question d'aller chercher la croissance «avec les dents», l'urgence a imposé le sauvetage des banques et des entreprises en déroute. Le libéralisme sarkozien a laissé place au néo-colbertisme au risque d'aviver le malentendu avec l'opinion, saisie d'incompréhension face au fossé qui sépare les milliards alloués au secteur financier des mesures sociales consenties. Les tensions sociales lui dictent de reculer sur la réforme du lycée et du statut des enseignants-chercheurs, la poussée de fièvre de la communauté médicale, traditionnel vivier de voix à droite, le décide à modifier son projet de réforme de l'hôpital. Mais ses conseillers rappellent en contrepoint l'instauration du revenu de solidarité active (RSA), la baisse à 5,5% du taux de TVA dans la restauration, la défiscalisation des heures supplémentaires ou encore le crédit impôt recherche. Après l'unanimisme des débuts, la majorité présidentielle laisse percer ses interrogations et ses inquiétudes sur l'effet déstabilisateur des chantiers de la «rupture». «Il ne faut pas toujours avoir l'impression qu'on invente le monde», lâche un député. L'indocilité des députés UMP est devenue une forme de réponse à l'hyperprésidentialisation cultivée par Nicolas Sarkozy, même si les relations avec son Premier ministre François Fillon se sont rééquilibrées et pacifiées. Ses opposants, qui reprennent du poids et de la voix, de Martine Aubry à Olivier Besancenot, en passant par François Bayrou et Dominique de Villepin, s'alarment, pour reprendre le terme d'un politologue, d'une «déprésidence». Si le chef de l'Etat affirme s'astreindre à «l'oubli de soi» pour «ne plus avoir en tête que le bonheur des Français», ses détracteurs dénoncent les risques d'une gouvernance «par bravade» et citent Machiavel : «Gouverner, c'est faire croire». Les Français semblent même regretter Jacques Chirac, qui culmine à 74% d'opinions favorables. L'Elysée ne s'en inquiète pas officiellement. Après avoir touché le fond au début de l'année (33% de jugements favorables fin février), Nicolas Sarkozy, qui oscille désormais autour de 40%, «a atteint son plancher», juge un haut responsable de l'UMP. «L'essentiel, c'est que sa popularité au sein de son électorat n'est pas entamée». Sophie Louet (Reuters)